vendredi 9 décembre 2011

[Traduction] Education vegan: un contexte (1ère partie)

(Traduction de l'essai de Dan Cudahy, avec son accord, "Vegan Education: A Background (Part 1 of 2) ")

 

Education vegan: un contexte (1ère partie) 

 


Ceci est le premier essai d’une série en deux parties à propos de l’éducation vegan. Cet essai fournira un contexte sur l’éducation vegan et expliquera plus particulièrement certaines différences entre l’éducation welfariste (bien-être animal) et l’éducation abolitionniste, grâce à quelques bons exemples d’éducation vegan à la fin de l’essai. Le deuxième essai se penchera plus en détail sur l’approche abolitionniste incrémentale.

L’approche abolitionniste  envisage l’abolition du statut de propriété des êtres sentients nonhumains. Mais avant de se pencher sur l’abolition du statut de propriété des nonhumains, nous devons nous débarrasser de la perspective économique qui ne voit les nonhumains comme rien de plus que des marchandises de consommation, au même niveau de considération morale que des choses comme les pommes, les oranges, le raisin, les brocolis ou les noix de coco. Mais avant de pouvoir éliminer ce statut de ‘matière première consommable’ des nonhumains, nous devons être vegan. Donc, l’éducation vegan est au cœur, ainsi que le premier palier, de l’approche abolitionniste.

Nous serions tentés d’arguer qu’il y a des lois sur le bien-être animal protégeant les animaux « de consommation », et donc que les animaux vivants sont mieux perçus, au niveau de la considération morale, que des fruits et légumes insensibles. Aussi tentant qu’il soit de percevoir les lois de « bien-être » en agriculture animale comme créées « pour les animaux », cette vision est incorrecte. Il y a seulement 4 objectifs aux lois de bien-être animal en vigueur, et aucun d’entre eux ont quoi que ce soit à voir avec les véritables intérêts des animaux :

  • Pour protéger la propriété animale, en tant que propriété économique, de l’entreprise qui possède les animaux
  •  Pour protéger les employés d’abattoir dans le cas où de grands animaux se débattraient dangereusement si ils ne sont pas manipulés « correctement » 
  • Pour protéger les consommateurs des maladies comme celle de la vache folle, pour les vaches « infirmes » 
  • Pour donner au consommateur le prétexte que les animaux sont « bien traités » pendant les opérations de nourrissage, pendant le transport et pendant leur abattage.

La réalité est que, littéralement, des milliards d’animaux sont traités annuellement de façons qui choqueraient la majorité des consommateurs de produits animaux. Les lois de bien-être animal, vu qu’elles concernent l’agriculture animale, n’ont aucun rapport avec la conception classique que le public se fait du « bien-être animal », telle que pour les chiens ou chats. A la place, les lois de bien-être concernant les animaux exploités pour la nourriture, l’expérimentation et le loisir sont conçues intentionnellement pour soutenir les « pratiques coutumières et acceptées » via des exemptions catégoriques de traitement, la plupart d’entre elles seraient considérées comme de un crime de cruauté si on les infligeait à, disons un labrador.

Nous pourrions alors être tentés, comme le font les organismes de bien-être animal comme HSUS et l’Animal Legal Defense Fund, de suggérer que l’on renforce et fasse respecter ces lois de bien-être pour « réellement » protéger les animaux. Il y a un bon nombre de raisons pour lesquelles le renforcement des lois de bien-être ne peut pas fonctionner. La plus grande raison pour laquelle de telles lois ne peuvent fonctionner est l’importante demande économique des consommateurs combinée avec le fait qu’il soit économiquement, pratiquement, et logistiquement impossible de mettre au monde, élever, nourrir, transporter et abattre 10 milliards d’animaux annuellement sans confiner ses animaux à vivre dans leurs déjections ; sans débecquer les poulets ; sans écorner et castrer les taureaux (sans anesthésiant couteux) ; sans utiliser l’outils électriques sur de grands animaux ; sans utiliser la force brute sur les poulets ; sans transporter les animaux dans des conditions climatiques extrêmes , qui non seulement sont source de misère, mais sont suffisantes pour tuer les animaux avant qu’ils arrivent à l’abattoir ; sans diriger des abattoirs à une cadence élevée résultant en des millions de poulets ratant la lame égorgante et finissant ébouillantés vivants et beaucoup de vaches arrivant en vie à la machine dépeceuse. Eliminer ces « pratiques coutumières et acceptées » cruelles couterait tellement cher que les prix des produits animaux augmenteraient forcément multiplicativement, et seuls les riches pourraient se permettre ces produits. Combinez l’impossibilité économique de telles réformes majeures avec l’effet balayant et dévastateur que de telles réformes auraient sur l’un des plus grands, plus riches, et plus puissants collectif d’industries dans le monde (Big Food : ConAgra, Tyson Foods, McDonald’s, Taco Bell, KFC, et chaines de restaurants, juste pour citer quelques-unes des douzaines de grandes entreprises), et il apparait clairement que tenter de légiférer de telles réformes via des lois de bien-être est franchement absurde.

Alors il est vrai, la situation pour les animaux, particulièrement toute amélioration significative des lois de bien-être, est aussi sombre qu’on l’on puisse imaginer. Cependant, la seule force motrice de cette puissance économique et politique virtuellement absolue que l’agriculture animale et Big Food détienne sur les animaux est le consommateur, individuellement et collectivement, qui cautionne, demande, pousse et est en fin de compte responsable de l’existence de l’industrie de l’agriculture animale et de toute sa puissance. Si nous devons nous attaquer au problème de la torture institutionnelle des animaux, nous devons directement éduquer les consommateurs de produits animaux et remettre en cause l’acceptation culturelle de la consommation de produits animaux. Les personnes décentes auront de sérieux scrupules moraux à propos de ces « pratiques coutumières et acceptées » et des exemptions catégoriques dans l’agriculture animale si ces pratiques leur sont présentées. Un obstacle important pour présenter ces pratiques au public général est l’attitude culturellement acceptée du « Ne demandez pas, n’en parlez pas » et le refus de beaucoup de personnes elles-mêmes par rapport à ce qu’on leur présente, alors que les reportages sur les horribles traitements sont facilement trouvables. Combinez cela avec le droit légal de l’industrie d’empêcher les gens, ce qui inclut les médias (qui sont en faveur de l’industrie en premier lieu), de s’approcher de leur propriété – un droit qu’ils se réservent et appliquent au moins jusqu’aux limites de la loi – et vous pouvez constater qu’éduquer les consommateurs prend du temps et est une tâche difficile. Cependant, éduquer les consommateurs est la SEULE manière concevable pour affaiblir l’immense puissance de l’industrie et le seul espoir de soulagement des animaux d’avoir eu la malchance de naître dans une existence d’un enfer inimaginable.

Avec cette préface, penchons-nous sur un aperçu de l’éducation vegan, autant de la manière dont elle est généralement appliquée de nos jours (ex : l’éducation vegan welfariste  pratiquée par les grandes organisations de bien-être) que de la manière dont elle devrait être mise en pratique si on veut que les animaux aient une quelconque chance dans les années ou dizaines d’années à venir (par ex : l’éducation vegan abolitionniste).

L’éducation« vegan » welfariste

Toutes les éducations « vegan » ne peuvent pas être considérées comme « le noyau et la première étape de l’approche abolitionniste » mentionné à la dernière phrase du premier paragraphe de cet essai. L’éducation « vegan » welfariste – c'est-à-dire, l’éducation « vegan » fournie par les organisations prédominantes de « protection animale » -- est anti-éthique en ce qui concerne l’approche abolitionniste. Examinons la différence, en commençant avec l’éducation « vegan » welfariste :

Les personnes auxquelles on présente l’éducation vegan welfariste peuvent décider de devenir vegan, mais les raisons pour lesquelles elles deviennent vegan sont fragiles et conditionnelles. Les vegans welfaristes pensent et disent des choses du genre « le veganisme est juste un moyen de réduire la souffrance » ; ou « même si vous mangez de la viande, vous pouvez quand-même aider les animaux en réduisant votre consommation de viande », ou « c’est un pas dans la bonne direction », et « le véganisme est le boycott de la cruauté ». Ces affirmations voient le véganisme simplement comme un « moyen » de « réduire » la souffrance et peut-être aussi pour persuader l’agrobusiness de mieux traiter les animaux et de suivre les tentatives welfaristes vers les réformes législatives. Parce que l’approche abolitionniste perçoit la sottise qu’est la tentative de réforme de l’industrie, et perçoit l’utilisation et l’abattage des animaux comme problème fondamental et le mauvais traitement simplement comme un symptôme inévitable du problème fondamental de l’utilisation, chacune de ces affirmations est anti-éthique vis-à-vis de l’authentique plaidoyer pour les droits des animaux et de l’approche abolitionniste. Encore une fois, toutes ces affirmations perçoivent le traitement des animaux comme le noyau du problème, pas l’exploitation ou l’abattage en soi. En effet, le philosophe principal du camp welfariste, Peter Singer – connu comme le « père du mouvement des droits des animaux » -- a déclaré que nous pouvons « être des omnivores consciencieux ». Mais si 300 millions d’entre nous en Amérique peuvent être des « omnivores consciencieux »,  est-ce que les animaux peuvent avoir quelque droit ou protection selon quelque définition cohérente du mot « droit » ou « protection » ? Bien sûr que non. Non seulement c’est quasi ridicule d’un point de vue welfariste d’une vague réclamation pour un « traitement décent » dans l’abattage, mais d’un point de vue authentique du plaidoyer pour les droits des animaux, ça n’a aucun sens de parler d’un droit à quoi que ce soit si on a même pas le droit de vivre.

Pour les welfaristes,  il n’y a rien de mal à être un « omnivore consciencieux » ou un « demi-végétarien » (comme le sont beaucoup de welfaristes) et à se permettre le « luxe » d’un petit bout de viande ou fromage de temps en temps. C’est parfaitement en accord avec la philosophie welfariste et c’est la raison pour laquelle le veganisme est vu par les welfaristes comme une sorte d’action héroïque ou ascétique plutôt que comme une base morale. Si vous êtes welfariste, il n’y a vraiment aucune raison contraignante de devenir vegan ; le veganisme n’est rien de plus qu’un « moyen optionnel pour réduire la souffrance ». Depuis le début de l’approche welfariste dans le milieu des années 70, la consommation de viande par personne a augmenté de façon constante et le traitement des animaux a progressivement empiré. En outre, d’importantes populations dans d’autres parties du monde qui avaient jusque-là principalement suivi un régime végétarien sont maintenant exposées à des quantités moyennes, voir grandes, de produits animaux par la gigantesque industrie de l’agriculture animale, et on prévoit que la consommation de produits animaux par personne à travers le monde double au moins dans les quelques dizaines d’années. Après 30 ans d’approche welfariste, l’industrie de la viande est plus puissante que jamais et il n’y a aucun espoir à l’horizon que quoi que soit change à ce sujet. Encore une fois, la situation et le pronostique pour les animaux ne pourrait être pire, mais s'il doit y avoir un quelconque espoir, c’est seulement via l’approche abolitionniste.

Education abolitionniste vegan : Considérations morales

En plus des considérations pratiques du véganisme en tant que seule manière d’éliminer la cruauté animale non-nécessaire, il y a des différences morales significatives entre l’approche abolitionniste et l’approche welfariste. Quand on considère la signification et  les implications authentique des droits des animaux, comme décrit dans « Introduction to Animal Rights » de Gary L Francione, la base morale du véganisme devient étonnamment claire. Les êtres nonhumains ont une valeur intrinsèque dérivée des caractéristiques moralement pertinentes de leur sentience et de là méritent l’égale considération.[1] En reconnaissant leur sentience, leur valeur intrinsèque, et considération égale, nous réalisons que c’est un impératif moral de ne pas les consommer ou de les exploiter en les utilisant seulement comme moyens à nos fins. Les animaux ont des intérêts importants au-delà de simplement éviter la douleur et la souffrance. Etre vegan n’est plus seulement un « moyen de réduire la souffrance » ou un « boycott de la cruauté », cela devient une question morale intériorisée au même niveau que la prohibition de tuer intentionnellement des humains innocents ou de les exploiter seulement comme moyens à nos fins. C’est pourquoi la question de ‘quel message nous envoyons dans l’éducation vegan’ n’est pas seulement une question de « tactique » ; elle a des racines morales et philosophiques bien plus profondes que des considérations pratiques et des blablas sur la tactique.

L’éducation vegan abolitionniste : considérations pratiques.

Considérons l’esclavagisme il y a 150 ans : si le bien-être des esclaves – qui était principalement concerné par le traitement des esclaves plutôt que par leur utilisation – était la philosophie dominante dans notre société jusqu’à aujourd’hui, quasiment rien n’aurait changé car le statut moral, économique, et de propriété des esclaves n’aurait pas changé de manière significative. Cependant, parce que l’abolition de l’esclavagisme était la philosophie dominante dans notre société après la guerre civile, et l’est toujours, beaucoup de choses ont changé et les descendants des esclaves sont libérés de leurs chaines et de leur statut de propriété. La même chose est valable au niveau de la situation ‘bien-être contre abolition’ quand on parle des êtres nonhumains. La philosophie prédominante, le welfarisme ou l’abolitionnisme, déterminera entièrement si nous vivrons dans une société vegane dans les années ou dizaines d’années à venir ou si la consommation de chair par personne au niveau mondial sera à son plus haut point dans les années ou dizaines d’années à venir.

C’est en partie pourquoi les raisons pour lesquelles les gens sont vegan sont aussi importantes, et pas juste que les gens soient vegan comme des raisons de « moyen ». De manière pratique, le veganisme welfariste est n’est nullement nécessaire dans la philosophie welfariste et donc fragile. Le veganisme abolitionniste est un impératif moral dans la philosophie des droits des animaux et donc inébranlable.

Dans le prochain essai de ce sujet en deux parties, nous examinerons l’approche incrémentale abolitionniste aux droits des animaux et l’éducation vegan, en nous penchant en particulier sur les 5 critères de Gary L. Francione pour une approche incrémentale visant à faire avancer les droits des animaux dans la société.

Entre temps, les liens suivants fournissent de bons exemples de matériel d’éducation abolitionniste :

4 commentaires:

  1. "Parce que l’approche abolitionniste [...] perçoit l’utilisation et l’abattage des animaux comme problème fondamental et le mauvais traitement simplement comme un symptôme inévitable du problème fondamental de l’utilisation" <- très bien dit.
    Par contre je ne sais pas si on peut dire que Peter Singer est le père du mouvement pour les droits des animaux. Il me semble qu'en tant qu'utilitariste, il ne croit pas aux droits des individus. Mais c'est un détail. BTW, je savais qu'il était critiqué pour la triste "exception parisienne", mais je ne savais pas qu'il avait parlé d'omnivore consciencieux.

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  2. Ce serait tiré de cette interview:

    http://www.abolitionistapproach.com/media/links/p23/conscientious-omnivores.pdf

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  3. "Après 30 ans d’approche abolitionniste, l’industrie de la viande est plus puissante que jamais et il n’y a aucun espoir à l’horizon que quoi que soit change à ce sujet." ==> de welfarisme plutôt ? (ou j'ai mal compris)

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    1. Non en effet c'était bien welfarisme ! merci !

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