vendredi 30 décembre 2011

[Traduction] Chère Hermione

(Traduction de l'article de Maya Shlayen, "Dear Hermione")


Chère Hermione,


En tant que fans de longue date, nous voudrions te remercier pour ta participation dans le combat contre le Seigneur Voldemort, et, partant de là, pour ton combat contre le paradigme ‘force fait loi’ qu’il représentait. Ta position ferme et implacable en faveur de la justice sociale nous a amenés (moldus) à examiner les allées et venues de notre propre monde. En tant que fans de ta personnalité et encore plus grands fans de la justice sociale en général, cependant, nous souhaiterions attirer ton attention sur ce qui, nous estimons, a été un angle mort récurrent tout au long de ta vie jusqu’à maintenant : ton inconsistance dans ton opposition contre l’exploitation injuste.


Avec l’apparition de Dobby durant ta deuxième année à Poudlard, nous faisons la connaissance des ‘elfes de maison’ : elfes domestiqués que les magiciens (humains) exploitent comme serviteurs obligés. Dans la mesure où les elfes de maison sont forcés de faire un travail pour lequel ils ne reçoivent pas de compensation, ils sont, en réalité, des esclaves. Privés de toute puissance (ils ne peuvent pas être des ‘porteurs de baguette’, par exemple), la domestication et l’exploitation ultérieure des elfes sont si profondément enracinés dans le monde des sorciers que tant les magiciens que les elfes prennent ça pour acquis, comme l’ordre ‘naturel’ des choses. Des siècles (si pas des millénaires) de servitude et d’esclavagisme ont engendré la dépendance des elfes de maison. En effet, le bon elfe de maison est si docile et asservi qu’il fera tout ce que son maitre lui demande – peu importe si ça fait du mal à l’elfe.


Pourtant, même si toi et Dumbledore (parmi d’autres) reconnaissez cette injustice qu’est l’esclavagisme des elfes, vous ne voyez pas votre propre complicité dans l’exploitation des nonhumains ailleurs : avec Dumbledore, toi et d’autres magiciens et magiciennes bien intentionnés portez de la laine qui provient de l’exploitation de moutons. C'est-à-dire, le mouton domestique est un animal qui, suite à une reproduction sélective, est devenu complètement dépendant du contrôle humain pour sa survie. Comme tous les nonhumains domestiqués, le mouton a évolué, au fil de millénaires de soumission humaine, pour être tellement à notre merci qu’il n’est plus capable de vivre indépendamment dans la nature. Et comme les magiciens, qui tirent un avantage de la docilité des elfes de maison afin d’exploiter ce groupe en question, nous tous (magiciens tout comme moldus) tirons un avantage d’animaux domestiqués (dont le mouton) dans le but de les exploiter pour nos fins – même lorsque c’est préjudiciable pour eux que nous le fassions.


Les humains ont élevés les moutons pour qu’ils aient une peau anormalement ridée et de là ont des quantités excessives de laine sur leur corps, créant un ‘besoin’ artificiel de les tondre – une action qui en soi est souvent stressante et traumatique pour les animaux. Mais du fait qu’ils soient si vulnérables et dépendants de nous, les animaux domestiques, comme les elfes de maison, n’ont pas d’autre choix que d’endurer toutes les utilisations qu’on fait d’eux. Il y a quelque chose d’étrange lorsque Dumbledore dit à Harry (à la fin de ta cinquième année à Poudlard) que les elfes de maison méritent plus de respect (par ex, que nous ne devrions pas nous attaquer aux vulnérables simplement parce que nous le pouvons) alors que lui-même porte un pull de laine en hiver. 


L’une des caractéristiques déterminantes de l’esclavagisme à travers les âges a été le traitement des esclaves exclusivement comme moyens pour les fins de quelqu’un d’autre, la vie et le bien-être de l’esclave n’ayant aucune valeur intrinsèque – un point qui te fut illustré plutôt artistiquement juste avant ta cinquième année, sur l’affichage mural de têtes tranchées d’elfes à la retraite dans la maison de Black. Cruel qu’il puisse être sans aucun doute de retirer la vie d’un être sentient, à quoi bon garder en vie un esclave qui n’est plus utile ? La propriété, après tout, est ce qui n’a de valeur externe ou extrinsèque. Pourtant, cette réalité ne semble pas te perturber plus que ça, puisque, pendant que tu prêches au sujet des droits des elfes lors du déjeuner à Poudlard, tu ne daignes avoir une pensée pour les vaches laitières dont l’exploitation a permis de fournir le beurre que tu étends sur ta tartine !


Bien sûr, comme tous les mammifères, les vaches laitières doivent donner la vie pour donner du lait – un fait dont les fermiers laitiers profitent en inséminant artificiellement leurs vaches annuellement. Lorsque les veaux sont nés, ils sont rapidement enlevés à leur mère (une action qui résulte en stress inimaginable et en traumatisme pour la mère et le veau), et le lait qui était destiné à la base pour eux est volé à la place par les humains. Ses filles  la remplaceront comme machines à lait, et ses fils (puisqu’ils ne peuvent ni donner du lait ni produire de descendance) seront envoyés prématurément à l’abattoir, où ils seront ‘préparés’ en viande de veau. Après des cycles répétés de mise enceinte traumatisante, de lactation forcée et de deuil, la mère ‘utilisée’ sera également envoyée à l’abattoir. La vie et le bien-être des vaches laitières, alors, comme celle de l’elfe de maison, n’a pas de valeur intrinsèque et n’est pas prise en considération au-delà de son utilité comme machine à lait, même si un tel traitement la prive invariablement de sa liberté, de son confort, et de son autonomie qu’elle désire tellement, comme tous les êtres sentients. Encore une fois, l’injustice de traiter un ‘autre’ sentient comme notre propriété est claire. Quelle ironie, alors, quand en dénonçant l’esclavagisme des elfes, tu sembles passer à côté de ce lien crucial et ne renonce pas également à l’exploitation de tous les nonhumains sentients !


En plus des similitudes économiques et légales communes à toutes les institutions injustes, l’esclavagisme des elfes et l’exploitation animale partagent pourtant encore une caractéristique : la psychologie sociale sous laquelle elles sont toutes les deux perpétuées. Les elfes de maison, après des siècles (millénaires ?) de servitude et de lavage de cerveau, ont perdu tout semblant d’indépendance et de désir d’autonomie, prenant pour acquis leur statut de propriété comme ‘normal’ et même désirable. Les magiciens et magiciennes, qui bénéficient d’une telle discrimination, pointent souvent le contentement des elfes comme ‘preuve’ que de telles pratiques ne sont pas injustes. Comment pourrait-ce être de l’esclavagisme’ lorsque les elfes eux-mêmes apprécient cela ?


Il est intéressant de noter que lorsque Ron fait cette même observation lors de ta quatrième année, tu répliques immédiatement, « c’est parce qu’ils sont incultes et endoctrinés ! » En d’autres mots, tu peux voir que l’oppression des elfes est bien plus compliquée que de simplement déterminer si ils sont ‘heureux’ ou non ou complices de leur exploitation.


Les dix dernières années ont connu la croissance du mouvement de l’exploitation animale ‘humaine’ : œufs plein-air, lait bio, et autres labels ‘bien-être’. Outre le fait que ces mots sont des schémas de marketing qui ne se traduisent pas en meilleures normes de bien-être pour les animaux, la réalité est que même s’il était possible d’exploiter les animaux ‘humainement’, ça ne résoudrait pas la question de base de quelle justification avons-nous pour les utiliser comme moyens pour nos fins en premier lieu ? Comme la complicité des elfes de maison dans leur propre esclavagisme, l’exploitation animale ‘humaine’ omet de prendre en considération la soumission et la violence sur laquelle se base notre relation entière avec les nonhumains domestiques en premier lieu. Que ça soit la complicité des elfes de maison dans leur propre esclavagisme, l’exploitation ‘humaine’ des nonhumains domestiques, le ‘choix’ des travailleurs dans une société capitaliste à peiner dans des conditions industrielles démoralisantes, ou toute autre institution injuste à propos de laquelle nous nous mentons à nous-mêmes, de tels systèmes ignorent les inégalités structurelles qui rendent le ‘choix’ et l’exploitation humaine’ sans aucun sens. La véritable justice, alors, ne vient pas en plaçant un autocollant souriant sur l’exploitation, mais en démontant les structures hiérarchiques sous-jacentes qui créent et perpétuent l’injustice en premier lieu.


Bien que tes premiers efforts pour attirer l’attention sur le calvaire des elfes de maison soient accueillis en ridicule, au moins certains magiciens et magiciennes reconnaissent que quelque chose est fondamentalement malsain par rapport au paradigme entier des ‘elfes comme propriétés’. Ceux qui se sont rangés du côté de Dumbledore (et de Harry) dans le combat contre le Seigneur Voldemort reconnaissent que le paradigme hiérarchique entier du magicien sur le moldu, de l’homme sur la créature était fondamentalement injuste.
De même, nous tous (magiciens, magiciennes ou moldus) sommes d’accord qu’il est malsain d’infliger des souffrances ‘inutiles’ aux animaux. Et pourtant notre utilisation la plus significative numériquement (par ex pour la nourriture) ne peut être considérée comme ‘nécessaire’ selon toute définition cohérente de ce mot. L’association américaine des diététiciens (l’une des plus grandes organisations scientifiques en matière de nutrition au monde) déclare :


"La  position  de  l’Association  américaine   de   diététique   est   que   les  alimentations    végétariennes    bien conçues  (y  compris  végétaliennes) sont bonnes pour la santé, adéquates sur  le  plan  nutritionnel  et  peuvent être bénéfiques pour la prévention et le traitement de certaines maladies. Les    alimentations    végétariennes bien conçues sont appropriées à tous les âges de la vie, y compris pendant la  grossesse,  l’allaitement,  la  petite enfance,  l’enfance  et  l’adolescence, ainsi que pour les sportifs."


La meilleure justification que nous avons pour infliger souffrance et mort à des milliards de nonhumains sentients est qu’ils ont bon gout, et que c’est pratique et habituel pour nous de le faire. Il n’y a aucune nécessité impliquée. Comme les magiciens bien-intentionnés qui maintiennent que les elfes de maison ‘apprécient’ d’être asservis, nous n’arrivons pas à appliquer nos propres convictions morales à leurs conclusions logiques : nous continuons à manger, porter et utiliser des nonhumains quand ce n’est pas nécessaire pour nous de le faire, et nous nous racontons toutes sortes d’histoire pour nous convaincre que c’est soi-disant correct.


En tant que vos fans dévoués, et sincères demandeurs de justice sociale et de non-violence, nous aimerions faire une proposition : nous demandons que tu considères de devenir vegan. Le véganisme signifie qu’on ne mange plus, ne portons plus, ou d’une autre manière n’exploitons plus les animaux nonhumains pour nos bénéfices humains. Plus qu’une question de régime alimentaire ou de style de vie, le véganisme est un rejet de principe du statut de propriété des animaux nonhumains – une forme vivante de protestation contre la violence massive commise contre les plus vulnérables d’entre nous. Etre vegan est incroyablement facile, et la norme minimale de décence que nous devons aux nonhumains en regard de notre estimation qu’il est immoral de leur infliger souffrance et mort inutile.


Vivre sa vie en tant que vegan et s’engager dans l’abolition de l’exploitation animale n’est ni misanthrope ou myope. Le spécisme (discrimination basée sur l’espèce) est inextricablement lié à nombre d’autres formes de violence, et comme l’exploitation des elfes de maison, l’exploitation des nonhumains est en soi un symptôme d’un monde hiérarchique dans lequel l’injustice prendre une myriade de formes. Aussi longtemps que nous massacrerons des milliards d’êtres sans défense simplement parce que nous le pouvons, nous ne traiterons pas mieux nos frères humains, et tout discours de ‘justice’ ou de ‘paix mondiale’ restera juste cela  -- des mots vides au vent.


Aussi intelligente et bien-intentionnée que tu ne puisses l'être sans aucun doute, tu sembles toi aussi être victime de la pensée confuse et embrouillée qui arrive souvent lorsque l’on vit dans un monde violent. Peut-être, si tu avais pris du recul et fait plus attention au problème, tu aurais fait le lien : si il est immoral que les magiciens exploitent des nonhumains magiques, alors il est immoral pour chacun de nous (moldus et magiciens compris) de domestiquer et exploiter des nonhumains sentients de manière générale.


Nous espérons que cette lettre te parvienne en bonne santé, et que nous t’avons stimulé à réfléchir de manière critique à une sérieuse question de justice sociale. Nous t’invitons à nous rendre visite en ligne pour en apprendre plus :




          Sincèrement,


Le mouvement abolitionniste des droits des animaux

Maya Shlayen

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