(Traduction de l'essai de Dan Cudahy, avec son accord, "PETA: A Corporate Tangle of Contradictions")
Dans les médias et dans l’esprit de beaucoup de personnes, PETA est l’incarnation de l’entreprise des « droits des animaux ». A certains égards, cette croyance commune dans la connexion entre « droits des animaux » et PETA est compréhensible. Parcourez le site web ou la littérature de PETA et vous rencontrerez fréquemment les termes « droits des animaux » et « vegan » mentionnés favorablement, ainsi que leur crédo, « Les animaux ne sont pas là pour être mangés, pour nos expérimentations, ou pour nos loisirs ». En effet, PETA veut être connue comme l’organisation des "droits des animaux" la plus grande et la plus connue au monde, et ils ont les moyens, relativement aux autres individus et organisations impliquées dans le plaidoyer animal (plus ou moins 34 millions de dollars en revenus annuels), pour maintenir cette forte impression dans le discours public et dans les médias.
Malgré l’image publique de « droits des animaux » que PETA promeut intentionnellement, leur philosophie et leurs actions sont résolument, et de loin, welfaristes et contredisent de façon substantielle toute notion cohérente des droits des animaux.
La philosophie auto-contradictoire de PETA à propos de l’éthique animale.
PETA est célèbre pour avoir nommé le philosophe utilitariste, Peter Singer, « le père du mouvement des droits des animaux » ainsi que pour avoir déclaré le livre de Singer, Libération Animale, « bible des droits des animaux ». Ironiquement, cependant, Singer est un utilitariste qui rejette explicitement des droits pour quiconque, humain ou nonhumain. En contradiction avec le crédo de PETA, Singer pense que les animaux sont là pour être mangés, portés et pour nos expériences (1, 2, 3). Selon Singer, du moment que nous élevons et tuons « humainement », ou en réduisant la douleur autant que raisonnablement possible, il n’y a rien de mal à utiliser les animaux pour nos objectifs. En d’autres mots, pour Singer, rejoignant le philosophe utilitariste du 18e siècle, Jeremy Bentham, qui fonda le mouvement de bien-être animal il y a 200 ans, la problème est le traitement, pas l’utilisation.
Donc, selon PETA, nous avons un philosophe des « droits des animaux » qui « engendra » le mouvement des droits des animaux et écrivit sa « bible », mais en flagrante contradiction, serait d’accord avec Bentham sur le fait que les droits (pour quiconque, dont les humains) sont « une absurdité sur échasse ».
Pourquoi PETA, dont le crédo est que les animaux ne sont pas là pour nous, et se présente comme une organisation de « droits des animaux », promeut un philosophe qui rejette les droits des animaux et pense sincèrement qu’il est moralement permissible d’exploiter les animaux ? Voilà la contradiction centrale qui pose les fondations de la plupart des autres contradictions que nous examinerons dans cet essai.
Les actions auto-contradictoires de PETA
Tout comme une erreur faite très tôt dans un long problème mathématique, l’auto-contradiction philosophique de PETA se répercute à travers la plupart des actions dans lesquelles ils s’engagent, rendant ces actions confuses et trompeuses au possible, et au pire, anti-éthiques et régressives pour les droits des animaux. Si notre philosophie – notre projet et notre fondation pour mener à bien ces actions – est sérieusement viciée, alors peu importe la manière dont nous appliquons cette philosophie, elle nous emmènera sur le mauvais chemin et finira par des résultats bâclés et bousillés. Ce qui suit est une liste des actions régulièrement entreprises par PETA – campagnes de bien-être, sexisme, affiches publiques embarrassantes, un modèle économique auto-intéressé, et pire que tout, abattage injustifié – qui contredit audacieusement la philosophie des droits des animaux et ses fondations de justice, nonviolence, bons jugements et considération égale des autres sur base de critères moraux pertinents.
Les campagnes de bien-être de PETA contredisent les droits des animaux
PETA alloue une partie substantielle de son argent, temps et efforts à des campagnes d’une grande visibilité qui tentent de réformer et réglementer les méthodes et pratiques de l’industrie de l’exploitation animale. Ca a pour effet de renforcer le paradigme du spécisme de deux manières significatives :
- En ajoutant des couches supplémentaires de règles et règlements et jobs d’ « inspecteurs » supplémentaires, cela renforce le système législatif, économique et bureaucratique qui appuie l’esclavagisme animal ; et
- A travers la commercialisation de ces réformes et règlements, les gens ont meilleure conscience par rapport au viol, à la torture et au meurtre [1] de dizaines de milliards d’êtres innocents annuellement, ce qui en retour augmente les profits des industries.
Ces campagnes de bien-être sont en accord avec la philosophie utilitariste spéciste [2] de Peter Singer, mais contredisent tout concept significatif des droits des animaux. Il est inutile de discuter quels « droits » quelqu’un pourrait avoir s’il n’a pas le droit basique à ne pas être tué intentionnellement ou sérieusement amoché pour les préférences d’un autre. Par exemple, considérons la manière dont nous évaluerions une organisation des droits de l’homme lançant des campagnes de prohibition de certaines méthodes d’esclavagisme, viol, torture, et meurtre, au lieu de faire systématiquement et sans équivoque campagne pour la fin de ces pratiques. La grande majorité d’entre nous s’opposerait à une telle organisation des « droits » de l’homme qui manquerait d’ambition au point d’implicitement approuver ce genre d’activités, peu importe ses crédos superficiels et ses platitudes sur les « droits ». La seule chose nous empêchant de nous opposer à PETA pour les mêmes raisons est notre spécisme.
La politique d’abattage de PETA contredit les droits des animaux.
Tristement, il y a des milliers de cas annuels dans notre société extrêmement spéciste où des chiens et des chats sont trouvés dans des conditions si douloureuses, déplorables et irréversibles que la seule action approprié est l’euthanasie. Si jamais je me trouve en état terminal d’une douleur horrible ou d’un coma, par la présente j’exprime par avance mon immense gratitude à ceux qui mettront fin à ma vie rapidement et sans douleur. Dans ce genre de cas où la vie n’a plus de valeur intrinsèque à cause de changements permanents (ex : état terminal d’une douleur atroce ou d’un coma), PETA euthanasie et devrait euthanasier les animaux.
Mais PETA va plus loin qu’euthanasier des animaux en phase terminale ou inadoptables. Dans une autre contradiction avec les droits des animaux, PETA tue des chiens et chats, en bonne santé et adoptables, catalogués comme « non-désirables ». PETA s’oppose également aux refuges qui ne font pas de mise à mort. Bien entendu, ces deux politiques sont en accord avec la vision de bien-être (et spéciste) de Peter Singer que les chiens et chats n’ont aucun intérêt dans une existence continue ; seulement un intérêt à ne pas souffrir. Mais ces politiques ne sont pas en accord avec la vision des droits des animaux que les nonhumains sentients ont un intérêt important autant dans leur existence continue que dans le fait de ne pas souffrir. Quand ces deux intérêts s’opposent violemment, nous pouvons avoir une décision difficile à prendre, mais être « non-désirable » n’est pas la même chose qu’endurer des douleurs terminales ou un coma permanent. Lorsque PETA tue un chien ou un chat en bonne santé, adoptable, qu’ils estiment « non-désirable », c’est une décision basée sur des préférences utilitaristes anthropocentriques, pas sur les droits des animaux. [3]
Encore une fois, la grande majorité d’entre nous s’opposerait fortement à une organisation des droits de l’homme approuvant et s’engageant même dans l’abattage de masse de réfugiés humains ; tentant de justifier de telles actions en pointant le problème de surpopulation et la souffrance potentielle des réfugiés si nous ne les abattons pas. C’est le spécisme qui empêche les gens, ce qui comprend beaucoup de militants de la cause animale, de reconnaître l’injustice dans cet acte.
Le sexisme de PETA renforce indirectement le spécisme
Le spécisme, le sexisme, le racisme, et l’hetero-sexisme sont tous des bigoteries imprégnées de la même confusion sous-jacente qui ignore les caractéristiques moralement pertinentes, comme la sentience ou l’intérêt, en faveur de caractéristiques moralement non-pertinentes, comme l’espèce ou la race, lorsqu’il s’agit de fournir une égale considération aux autres. Et pourtant, tellement de personnes sont des militants passionnés et engagés tentant d’éliminer un ou plusieurs de ces préjugés tout en raillant ironiquement un autre. Il est courant de voir des féministes, des activistes LGBT, et militants des droits civils ridiculiser la question du spécisme tout en ignorant allègrement les implications sous-jacentes de leur rejet. Beaucoup condamnent la bigoterie des autres, mais ne peuvent voir la leur.
La même chose vaut pour PETA et leur sexisme. Si PETA exploite la femme dans ses campagnes de fourrure et de chair, renforçant le paradigme sociétal actuel qui voit les femmes comme des objets et leurs corps comme des marchandises, pourquoi quiconque prendrait alors au sérieux ce qu’un telle organisation hypocrite aurait à dire à propos du spécisme ? Les militants des questions de justice sociale rendent obsolète leur propre cause à partir du moment où ils banalisent les causes des autres.
Les opérations publicitaires de PETA banalisent une grave injustice
Lorsque nous jetons un œil aux succès des mouvements de justice social – abolition de l’esclavagisme au 19e siècle, les suffragistes, et le mouvement des droits civils – nous pouvons voir que leurs leaders étaient des personnes avec un caractère fort, sérieux et noble. Frederick Douglas, William Lloyd Garrison, Susan B. Anthony, Elizabeth Cady Stantont, Martin Luther King, et Rosa Parks n’étaient pas le genre de personne qui se seraient engagés dans opérations publicitaires ridicules ou embarrassantes pour attirer l’attention des médias de leur époque. Lorsqu’ils avaient l’attention du public, c’était à cause de la puissance morale de leur message et de leurs mots, pas parce qu’ils « se mettaient à poil » ou se lançaient dans un humour de choc ou autres actions qui banalisent les injustices pour lesquelles ils se battaient.
En contraste, PETA est bien connu pour ses opérations publicitaires odieuses et souvent sexistes et d’autopromo criardes , attrayantes pour les aspects les plus bas de l’attitude et du comportement humain. Malheureusement, PETA ne peut même pas tenter de discuter avec l’autorité morale parce que ça contredirait de manière flagrante leur attitude et leurs actions comme en témoignent les panneaux publicitaires « Sauvez les baleines » qui se moquent de l’obésité féminine, les publicités bannies de la télévision, et les campagnes sexistes du genre « Je préfèrerai être nue que porter de la fourrure ».
PETA est un business
Les auto-contradictions de PETA peuvent être tracées selon deux facteurs majeurs :
- Leur mélange contradictoire de philosophie utilitariste-bien-être traditionnelle (les animaux sont là pour nous…) avec une façade de rhétorique de soi-disant droits (« les animaux ne sont pas là pour nous… ») et
- Le fait que PETA soit, entre autre, une corporation existant en tant que personne légale, mais dénuée de la conscience potentielle de l’agent moral humain
Le cycle économique de PETA démarre avec des campagnes ciblées et de bien-être contre des cibles sélectionnées comme le fruit à portée de main – des pratiques à modifier que l’industrie est prête à faire, non seulement pour des raisons de relation publique, mais également souvent pour des raisons de profitabilité. PETA envoie alors le message urgent aux donateurs : « A L’AIDE ! Donnez autant que vous le pouvez ou cette victoire pourrait nous échapper ! ». Les donateurs – la plupart d’entre eux n’étant pas vegan, et contribuent dès lors au problème en question pour lesquels ils envoient leur argent afin de le « solutionner » -- répondent en sortant leurs chéquiers et remplissant les coffres de PETA. Après plusieurs semaines ou mois de campagne, l’exploitant ciblé « abandonne » face à la campagne de PETA. PETA déclare immédiatement « VICTOIRE ! » à leurs donateurs et, le plus souvent comme partie du deal avec l’exploitant ciblé, PETA promeut l’exploitant dans une campagne de relation publique, comme ils l’ont fait pour KFC Canada.
Le résultat du cycle économique est que PETA y gagne des dons et renforce sa réputation de « chien de garde » de l’industrie, ce qui lui permet de perpétuer le cycle indéfiniment. Les donateurs non-vegan y gagnent une « victoire » et une fausse impression de faire quelque chose pour compenser leur propre contribution personnelle à l’enfer qu’endurent leurs victimes innocentes. Les exploitants d’animaux y gagnent une augmentation de la confiance publique erronée que ces produits sont « humains » et en obtenant le soutien en relation publique d’une (soi-disant) organisation des « droits » des animaux. Les grands perdants, évidemment, sont les êtres innocents qui sont exploités et tués pour les plaisirs triviaux de ceux qui les voient comme des marchandises.
Par ailleurs, puisque nous exploitons et infligeons de la cruauté de tant de manières à des nonhumains sentients, et puisque l’industrie est tellement résistante face aux changements superficiels apportés par les soi-disant « victoires », les opportunités pour le cycle économique ‘campagnes de bien-être > dons’ peut facilement durer indéfiniment, ou aussi longtemps qu’existera l’industrie.
Le cout d’opportunité de PETA
Les contradictions de PETA en philosophie, rhétorique, et en actions – qui ont mené à une profonde confusion publique et au renforcement du statu quo utilitariste-welfariste qui existe depuis Jeremy Bentham – ont été une barrière pour progresser dans l’avancement des droits des animaux, et continueront à l’être tant qu’ils continueront en tant organisation de bien-être animal.
Cependant, PETA en tant que barrière aux droits des animaux est seulement une partie du cout à tout mouvement abolitionniste viable. L’autre partie est le cout d’opportunité engagé par PETA. Nous devrions nous demander non seulement comment PETA pourrait retirer cette barrière, mais tout ce que pourrait apporter PETA en étant cohérent avec la philosophie des droits des animaux et dans l’éducation publique. Que se passerait-il si PETA laissait tomber les ordures – les campagnes ciblées, les campagnes de bien-être, le sexisme – et se lançait seulement dans l’éducation vegan créative et nonviolente ? Quand nous additionnons le cout d’opportunité au cout de la barrière, le cout total en progrès des droits des animaux est énorme et tragique.
Vegans contre PETA
Est-ce une surprise si les vegans qui sont sérieux à propos des droits des animaux et du déclin, de la chute et de l’abolition éventuelle de l’exploitation et de l’abattage animal industriel, sont contre PETA ? Dans Abolitionnisme contre Welfarisme : un contraste en théorie et en pratique, j’ai expliqué les forces et les faiblesses de l’industrie et comment le welfarisme répond aux forces de l’industrie, alors que l’approche abolitionniste s’attaque aux faiblesses de l’industrie. Le welfarisme, le sexisme, les campagnes publicitaires de banalisation de PETA jouent toutes contre les forces de l’industrie. Seul un message fort et cohérent qu’il n’y a pas de justification morale à l’exploitation des nonhumains sentients et que le veganisme est une norme minimale de décence, déplacera le paradigme et résultera dans l’abolition éventuelle de l’exploitation industrielle et de la cruauté. De grandes organisations comme PETA sont la dernière chose dont nous ayons besoin pour avancer. Seul un mouvement solide, de base, abolitionniste des droits des animaux réussira.
Lecture additionnelle
Le sujet du neo-welfarisme en général et de PETA en particulier est trop vaste pour s’y attaquer avec une profondeur adéquate dans un essai sur un blog. De là, je recommande fortement la lecture de Rain Without Thunder: The Ideology of the Animal Rights Movement du Professeur Gary L. Francione pour une analyse bien plus compréhensive et en profondeur des problèmes du neo-welfarisme et de PETA. En plus, les liens ci-dessus fournissent des informations et perspectives additionnelles sur la question du neo-welfarisme en général.
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Notes:
[1] Par “meurtre”, je veux dire l’abattage dispensable et intentionnel. Au moins 99% de l’abattage intentionnel des animaux dans notre société est dispensable, dans tous les sens du mot, et est qualifié de meurtre si n’importe quel acte en est.
Notes:
[1] Par “meurtre”, je veux dire l’abattage dispensable et intentionnel. Au moins 99% de l’abattage intentionnel des animaux dans notre société est dispensable, dans tous les sens du mot, et est qualifié de meurtre si n’importe quel acte en est.
[2] Bien que Peter Singer parle beaucoup d’éviter le spécisme (et réfute implicitement qu’il soit un spéciste), sa supposition que les nonhumains sentients n’aient aucun intérêt dans leur existence continue est en soi clairement spéciste. Nous n’avons pas besoin de « projets » continus dans notre vie, comme Singer pense que nous devrions, pour avoir un intérêt fort et important dans l’existence continue. Tous les êtres sentients luttent pour leur existence, et on a pas besoin d’un expert en éthologie pour le confirmer. Cette lutte pour l’existence rend évident l’intérêt dans l’existence continue. Nier cela aux nonhumains, ou définir « un intérêt dans l’existence continue »à l’exclusion de cette lutte, est du spécisme.
[3] Une analyse en profondeur de la population des chiens et chats et du problème de gestion de la garde dépasse le cadre de cet essai, donc je dirai seulement que la maladie sous-jacente est l’institution des propriétaires d’animaux « de compagnie » et son élevage en résultant et l’absence de castration et stérilisation qui est responsable de la myriade de problèmes menant à la souffrance énorme et à l’abattage intentionnel de millions de chiens et chats annuellement. Si PETA décide un jour d’adopter une approche basée sur les droits vis-à-vis de ce problème, ils soutiendront les refuges sans euthanasie ; augmenteront leur contribution aux programmes TNR ; et éduqueront le public général sur la question ‘pourquoi l’institution des propriétaires d’animaux de « compagnie » est immorale. Tout élevage est irresponsable ; et la castration et la stérilisation est essentielle pour tous les chiens et chats existant.
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