(Traduction de l'essai de Dan Cudahy et d'Angel Flinn, "Making a Killing with Animal Welfare Reform")
« Lorsqu’il s’agit de politique et de processus de soin animal, comptez sur nous pour montrer la voie. En fait, nous sommes reconnus par les premiers experts mondiaux en matière de bien-être animal comme étant la norme pour l’industrie américaine du porc – et nous appliquons ces mêmes meilleurs pratiques à nos opérations mondiales. »
~ Smithfield Foods: “Raising the Bar in Animal Care” (Smithfield Foods est le plus grand traitant et producteur de porc au monde, et tue presque 30 millions de cochons chaque année)
Durant les 200 dernières années, l’exploitation animale – depuis les éleveurs d’arrière-cour jusqu’aux « fermes industrielles » en passant par les cirques – a été imprégné dans le paradigme du bien-être animal. Il est très difficile, si pas impossible, de trouver une grande entreprise utilisant des animaux ou vendant des produits animaux qui ne se vante pas soit de son niveau élevé en matière de bien-être animal ou soit de ses grandes attentes par rapport à ses fournisseurs. En gros, l’industrie animale promeut en réalité le bien-être animal, et c’est en grande partie parce que le modèle de bien-être animal bénéficie énormément à l’industrie – non seulement en fournissant des directives qui aident les producteurs à adopter un modèle économique plus efficace, mais également en assurant les consommateurs qu’il est possible de mettre au monde, élever, exploiter, et massacrer des animaux de manière éthique.
Mais qu’est-ce qu’on considère comme « niveau élevé » en matière de bien-être animal ? Un niveau élevé permet généralement à n’importe quelle industrie bien implantée qui aide les producteurs, d’exploiter les animaux d’une manière économique optimale, peu importe le degré de cruauté, de nocivité ou de douleur. C'est-à-dire, toute cruauté qui promeut une utilisation économiquement efficace est acceptable (comme le marquage au fer, la castration, l’insémination forcée, l’écornage, le dégriffage, le débecquage, le mulesing, l’écourtage de queue, le rognage des dents, la mue forcée, etc..) ; mais la cruauté au-dessus ou en-dessous de cela qui promeut une exploitation économiquement efficace est considérée comme une violation des normes de bien-être « élevées » de l’industrie. En d’autres mots, donner des coups de pieds et frapper vos animaux parce que vous aimez ça n’est pas ok. Mais écorner et castrer vos animaux sans anesthésiant parce que ça les rend plus facilement gérables est ok. Cette définition de « niveau élevé » du bien-être animal explique pourquoi l’industrie peut légitiment formuler de telles allégations ridicules au visage d’une cruauté si dure que la plupart d’entre nous refuseraient de seulement la regarder.
Quand d’éminentes organisations de bien-être animal comme PETA et HSUS proposent des réformes de bien-être, comme une transition vers « l’abattage par atmosphère contrôlée » ou l’élimination des cages et des cageots de gestation, leurs campagnes impliquent de faire appel à l’industrie pour reconnaître les bénéfices économiques à long-terme de l’investissement du capital nécessaire pour faire ce genre de changements. Ce genre de bénéfices économiques inclut des animaux en meilleure santé qui sont moins stressés, moins de blessures chez les ouvriers, moins de dégâts dus aux carcasses, et une plus grande confiance du consommateur que les animaux sont traités « humainement ». Et bien entendu, de tels bénéfices économiques ont clairement du poids, comme nous pouvons le voir au fait que de grandes fermes industrielles comme celles possédées par Smithfield Foods « montrent la voie » dans l’élimination des cageots de gestation depuis plusieurs années dans toutes les « fermes » à truie de la compagnie. Vous pensez qu’ils font ça par souci pour les cochons ? Réfléchissez à nouveau.
Sur msnbc.com:
“Smithfield fait ce changement parce que les consommateurs ‘nous ont fait savoir qu’ils pensent que le système de cages groupées est une forme plus respectueuse de ferme à truie,’ … Smithfield détermine encore le cout de la transition mais ne s’attend pas à ce que cela affecte considérablement les prix des produits de porc car le cout sera réparti sur 10 ans et sera compensé par les gains de productivité,’ a déclaré Dennis Treacy – vice-président des affaires environnementales et commerciales… Il a souligné que la décision de ce changement était basée sur ce qui est raisonnable pour l’entreprise. »
Cette affirmation confirme que l’élimination des cageots facilitera la tâche de Smithfield Foods pour mener ses opérations et les développer. Et quelles sont leurs opérations ? Confiner et massacrer des animaux – par millions. Pas une activité dans laquelle vous attendriez la collaboration d’activistes des animaux, pas vrai ? Et pourtant, plutôt que d’utiliser le même temps et les mêmes ressources pour promouvoir le véganisme, les organisations de plaidoyer animal utilisent plus d’1,6 millions de dollars et d’innombrables heures de volontariat sur la campagne pour convaincre Smithfield Foods d’adopter ce modèle économique plus efficace.
Et comme si ce n’était pas assez grave, les organisations de plaidoyer animal travaillent également côte à côte avec l’industrie animale dans le développement et la promotion de labels « humain » pour la nourriture animale. Non seulement cette espèce de conseil « de développement de nouveaux produits » fournit une aide précieuse en relation publique pour ces entreprises, mais il fournit également, de manière très efficace, le cachet d’approbation « des défenseurs des animaux » à ces produits lorsqu’ils atteignent le consommateur. Bien que ces programmes puissent à première vue sembler offrir une plus grande protection aux animaux, il est douloureusement évident qu’ils sont conçus comme campagne de relation publique (quoique très intelligente) pour augmenter les ventes, en rendant le consommateur plus à l’aise par rapport à son utilisation de produits animaux. Ces labels, qui comportent notamment le Certified Humane Raised & Handled, Humane Choice, Freedom Food et la norme Whole Foods 5-Step animal welfare rating, peuvent très raisonnablement être vus comme la trahison ultime du point de vue des victimes.
Le partenariat entre les groupes de bien-être animal et l’industrie pour promouvoir une exploitation animale économiquement efficace est considérée comme « win-win-win » non seulement pour les deux parties du partenariat, mais également pour le consommateur. Le consommateur est assuré de pouvoir être excusé pour son indulgence par rapport aux produits de misère animale, grâce à ces soi-disant « niveaux élevés » de bien-être, et les groupes de bien-être y gagnent en recevant des dizaines de millions de dollars en dons, annuellement, pour agir comme les « régulateurs » de l’industrie et développeurs de ces labels ridicules.
Mais les plus grands gagnants dans l’affaire, de loin, sont les exploitants d’animaux eux-mêmes, qui non seulement reçoivent des services de consultation d’ « experts en bien-être » et d’activistes éminents, mais reçoivent également des récompenses et une mention spéciale des groupes de protection. La récompense qu’ils reçoivent sous forme de confiance accrue du consommateur doit les faire rire tout le long du chemin menant à la banque. Pendant ce temps-là, les droits les plus fondamentaux d’un nombre grandissant d’animaux sont toujours vendus pour répondre aux désirs triviaux de ceux qui insistent à consommer et utiliser des produits provenant de leurs corps.
Presque tout le monde est d’accord sur le fait que les animaux ne devraient pas endurer plus de douleur que « nécessaire », et que personne ne devrait infliger de douleur dispensable ou de souffrance à un autre. Mais ce qui est considéré comme « nécessaire » a historiquement et légalement signifié tout ce qui est nécessaire pour optimiser l’efficacité économique de toute utilisation socialement approuvée des animaux. C’est toujours le cas – et ce le sera toujours tant que les animaux seront considérés comme des propriétés et des marchandises économiques – que les normes de bien-être animal permettent toute cruauté, peu importe le degré, du moment que ça se traduise en optimisation de l’efficacité économique.
Mais les temps et les circonstances sont occupés à changer, tout comme les attitudes envers la signification du mot « nécessaire ». Aujourd’hui, un nombre grandissant de personne devient conscient que presque toutes nos utilisations d’animaux ne servent à rien d’autre qu’à notre plaisir, notre amusement ou notre confort – la consommation habituelle de produits animaux ; la coutume de porter des vêtements à base d’animaux ; la tradition de regarder des animaux participer à des activités triviales (et très douloureuses) telles que la course ou les numéros de dressage. Aucune de ces utilisations ne peut être considérée comme nécessaire par rapport à toute définition cohérente du mot nécessaire.
Au fur et à mesure que les gens prennent conscience des aspects bénéfiques du régime alimentaire vegan pour notre santé et pour l’environnement, et reconnaissent qu’être vegan est simplement une question de justice fondamentale, le véganisme sera reconnu de plus en plus comme rien de moins qu’un impératif éthique et une base morale. Certainement, il y en aura toujours qui refuseront de reconnaître le fait que nos utilisations d’animaux requièrent une violation de leur droit le plus fondamental, peu importe le degré de ces pratiques. Mais l’abolition de l’esclavagisme animal n’est rien d’autre que la question de justice sociale la plus importante de notre temps. Lorsque ce fait sera largement reconnu… de quel côté serez-vous ?
Angel Flinn.
Dan Cudahy.
…
Angel Flinn est directrice de Outreach for Gentle World — une communauté d’intention vegan et organisation à but non lucratif dont l’objectif est d’aider à construire une société plus paisible, en éduquant le public par rapport aux raisons de devenir vegan, les bénéfices du véganisme, et comment faire la transition.
Dan Cudahy est l’auteur de Unpopular Vegan Essays: essais impopulaires concernant la violence populaire infligée aux innocents.
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Remarque: "Making a killing", dans le titre original, signifie littéralement "Faire une tuerie". Il y a un jeu de mot (faire une tuerie+s'en mettre plein les poches)
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