vendredi 27 janvier 2012

[Traduction] Ignorance rationnelle et irrationalité rationnelle.

(Traduction de l'essai de Dan Cudahy, avec son accord, "Rational Ignorance and Rational Irrationality ")


Introduction


Comment se fait-il qu’autant de gens habituellement informés, intelligents, rationnels soient mal informés et épistémiquement irrationnels lorsqu’il s’agit de leur connaissance et croyances par rapport aux relations humains – non-humains, au véganisme, et aux droits des animaux ? Pourquoi est-ce que des personnes habituellement informées ne sont-elles pas au courant des atrocités dans l’agriculture animale et autres secteurs de l’utilisation animale ? Pourquoi est-ce que les défenseurs des droits des animaux entendent tant d’objections absurdes et peu plausibles aux droits des animaux et au véganisme ? Pourquoi est-ce que les meilleurs arguments contre les droits des animaux, mis en avant par des philosophes professionnels, sont simplement des exemples classiques de préjugés confirmés et de logique tourmentée ? [1]


Je crois qu’une bonne explication peut être trouvée dans deux idées générées dans le domaine de l’économie durant les dernières 60 années : l’ignorance rationnelle et irrationalité rationnelle. On trouve de nombreuses sources d’information à propos de ces deux idées, mais la ressource principale que j’ai utilisé pour cet essai est  “Why People Are Irrational about Politics” de Michael Huemer, professeur adjoint de philosophie à l’université de Colorado, Boulder. Pour ceux qui sont intéressés, un autre article intéressant sur le sujet est  “Rational Ignorance versus Rational Irrationality” par Bryan Caplan, 2001. Le but de cet essai est d’introduire ces deux idées et de les appliquer spécifiquement aux objections au véganisme et aux droits des animaux. [2]


La prévalence du désaccord


Le professeur Huemer démarre son essai sur la question en notant que le désaccord politique (ainsi que le désaccord moral et religieux) est fortement répandu, solide, et persistant. C'est-à-dire, deux personnes quelconque choisies au hasard vont probablement être en désaccord par rapport à bon nombre de sujets ; il est probable qu’elles soient persuadées d’avoir raison ; et il est peu probable que de longues discussions ou arguments rationnels les amènent à être d’accord.

Pourquoi n’avons-nous pas de désaccords si répandus, si forts, et si persistants pour des sujets comme les mathématiques ou la science ? Bien qu’il y ait des désaccords dans ces autres sujets, la fréquence, l’intensité de conviction, et la ténacité ne sont pas comparables en politique, moralité, et religion. Après cette brève introduction, le professeur Huemer considère quatre théories [2] sur les raisons pour lesquelles on trouve un désaccord si fort et persistant en politique, et conclut que bien qu’il y ait de nombreuses raisons à cela, le facteur le plus important est « l’irrationalité rationnelle » où « rationalité » dans le second terme se réfère à la rationalité instrumentale (ex : le « moyen-fin » ou le type de rationalité purement auto-intéressée à laquelle se réfère les économistes) et où « rationalité » dans le premier terme se réfère à la rationalité épistémique (ex : le type de rationalité désintéressée qui ne vise que la vérité, peu importe les implications de la vérité).


Ignorance rationnelle


La théorie économique de l’ignorance rationnelle considère que les gens choisissent souvent rationnellement de rester ignorant par rapport à un sujet car la valeur d’utilité perçue de la connaissance est faible voir même négative. Pour un exemple où la valeur d’utilité perçue est faible, considérez ce que cela vous apporterait de passer du temps et les ennuis divers pour savoir les résultats de vote spécifiques de tous les politiciens qui vous représentent. Ca ne vous apporterait pas grand-chose. Le fait est que le prochain politicien élu sera la personne pour laquelle des dizaines ou centaines de milliers de votants ont voté.


Pour un exemple où la valeur d’utilité perçue est négative, considérez ce que cela vous apporterait de savoir exactement ce qui est advenu des poules qui ont pondu les œufs que vous avez acheté ou qui ont été abattues pour votre repas aujourd’hui. Si vous avez une conscience, cela ruinera probablement le repas pour vous, et pourrait affecter la manière dont vous voyez vos habitudes culinaires en général. Dans le sens instrumental, purement auto-intéressé du mot « rationnel », il est irrationnel de vouloir savoir ce qui est advenu des êtres sentients qui furent torturés et abattus pour votre prochain repas.


Cela explique pourquoi les vegans, quand ils commencent à gentiment introduire le calvaire des animaux de ‘nourriture’ aux non-vegans, reçoivent si souvent une réponse du genre « Stop, je ne veux pas savoir ». Ce n’est pas comme si nous étions sur le point de lasser notre associé non-vegan avec les résultats de vote d’une douzaine de politiciens (une valeur d’utilité perçue basse), c’est que le non-vegan insiste pour maintenir (instrumental, auto-intéressé) l’ignorance rationnelle vis-à-vis d’une information fortement dérangeante qui pèse fortement sur certaines décisions que nous faisons environ trois fois par jour (utilité de valeur perçue négative).


Irrationalité rationnelle


De manière similaire, la théorie économique de l’irrationalité rationnelle considère qu’il est souvent rationnel, dans un sens purement auto-intéressé, économique, d’adopter des croyances épistémiquement irrationnelles car le cout des croyances épistémiquement rationnelles excède les avantages de leur adoption. Donc si j’accepte des croyances épistémiquement irrationnelles envers les droits des animaux – par exemple, que les non-humains sentients ne ressentent pas la douleur ou que leur douleur n’importe pas autant que la douleur humaine « car ils ne sont pas humains » ou que nous serons envahis de milliards de vaches, cochons, et poulets si nous arrêtons de les abattre – je ne porte aucun frais d’accepter de telles croyances absurdes.

L’irrationalité rationnelle émet deux hypothèses : 1) que les individus ont, comme l’avance Huemer « …des préférences de croyance non-épistémiques (plus connues sous le nom de ‘partis pris’). C’est-à-dire, il y a certaines choses que les gens veulent croire, pour des raisons indépendantes de la vérité de ces propositions ou à quel point elles sont appuyées par des preuves. » ; et 2) que les individus exercent un certain contrôle sur leurs croyances. Citant à nouveau Huemer, « Vu la première hypothèse, il y a un « cout » à penser rationnellement – à savoir, qu’on ne pourrait pas être amené à croire ce qu’il voudrait croire. Vu la deuxième hypothèse (et vu que les individus sont généralement rationnels instrumentalement), la plupart des gens accepteront ce cout seulement si ça leur rapport de plus grands avantages à penser rationnellement. » Puisque les individus ne perçoivent aucun bénéfice personnel à être épistémiquement rationnel à propos des droits des animaux et du véganisme, nous pouvons prédire qu’ils choisiront souvent d’être épistémiquement irrationnels par rapport aux droits des animaux et au véganisme. (Huemer tire cette conclusion seulement concernant les questions politiques en général).

Huemer souligne que certaines personnes évalueront hautement la rationalité épistémique en soi, et donc seront épistémiquement rationnels par rapport aux questions politiques (et dans notre cas ici, aux droits des animaux et au véganisme). Mais il n’y a aucune raison de penser que tout le monde (ou même la plupart des gens) auront cette préférence de valeur.


Préférences de croyances non-épistémiques (ex. partis pris)


Alors quelles sont certaines des sources spécifiques de préférences de croyances non-épistémiques (partis pris et préjugés) ? Huemer en suggère quatre, mais qualifie malgré tout les suggestions en notant qu’une réponse compréhensible exigerait une vaste étude psychologique. Je vais modifier significativement les détails des suggestions de Huemer pour les appliquer aux droits des animaux et au véganisme.


Partis-pris auto-intéressés


Du en grande partie au marketing persistant de l’industrie alimentaire, au message confus des neo-welfaristes, et au contre-mouvement anti-droits des animaux, la plupart des gens perçoivent faussement le véganisme comme étant ‘difficile’ au mieux, et au pire ont une caricature du véganisme comme un régime alimentaire consistant en une ‘nourriture de lapin’ (avec des images mentales de gens survivant à peine en mangeant des salades, concombres, et carottes). Indépendamment du fait que la nourriture végane soit délicieuse, du nombre de crasses véganes disponibles, et du nombre de substituts disponibles de nos jours pour nos produits animaux favoris, c’est au final la perception de la ‘difficulté’ qui représente un  ‘cout’ à devenir vegan. Bien entendu, au plus grande la perception de la ‘difficulté’ ; au plus grand le ‘cout’ perçu. Et au plus grand le ‘cout’ perçu ; au plus grand est la probabilité d’ignorance rationnelle et d’irrationalité rationnelle.


Croyances en tant qu’outils de cohésion sociale


La plupart des gens veulent suivre les croyances des gens qu’ils aiment et côtoient régulièrement. Bien que le véganisme devienne de plus en plus répandu et largement accepté dans la plupart des groupes sociaux, beaucoup de gens ont peur des conséquences sociales de devenir vegan. Ils peuvent redouter d’être remis en question ou même ridiculisés par rapport à leur décision. Ils peuvent redoute des situations sociales embarrassantes ou la perte d’amis. Ces peurs de conséquence sociales (peu importe si elles sont justifiées ou pas) peuvent être des motivations puissantes pour l’ignorance rationnelle et l’irrationalité rationnelle par rapport au véganisme et aux droits des animaux.


Croyances en tant que constructeurs de l’image de soi


Les gens veulent généralement adopter des croyances qui appuient l’image de soi qu’ils veulent maintenir et protéger. Si les droits des animaux et le véganisme ne répondent pas à l’image de soi préconçue pour une raison quelconque, alors l’ignorance rationnelle et l’irrationalité rationnelle par rapport aux droits des animaux et au véganisme sont susceptibles de se produire.


Partialité de cohérence


Les gens préfèrent généralement s’en tenir à des croyances qui collent bien avec leurs autres croyances. Quelqu’un qui croie en X en tant que proposition évaluative sera probablement biaisé en faveur des propositions descriptives ou autres propositions évaluatives qui appuient X. Cette tendance à préférer la cohérence peut être soit épistémiquement rationnel (impartial) ou irrationnelle (partial). Par exemple, une personne préfèrera une cohérence épistémiquement irrationnelle (biaisé) lorsqu’elle cherche un moyen de ‘justifier’ une croyance égoïste en adoptant des prémisses erronés répondant à une conclusion égoïste (mais épistémiquement fausse).


La partialité de cohérence est, de loin, la partialité la plus intéressante dans le cas des droits des animaux et du véganisme et mérite son propre essai. Pourquoi ? Parce que sans doute, l’ensemble le plus follement incohérent de croyances dans notre société sont les croyances de la plupart des gens par rapport aux êtres non-humains sentients. Qui plus est, les gens font de grands efforts d’ignorance rationnelle et d’irrationalité rationnelle pour couvrir cette incohérence née de la partialité.


Considérez que tellement parmi nous aiment et dorlotent le chien de famille, ou même le chien d’un étranger (la familiarité avec le chien n’a généralement pas d’importance) et ensuite enfoncent une fourchette dans le poulet sentient de la même manière ou boivent le lait de la vache violée et massacrée, qui a perdu son veau dans l’industrie du veau. Ceci est un exemple classique d’une incohérence de croyances évaluatives qui est follement épistémique. Comment faisons-nous face à cette incohérence épistémique dont nous nous moquerions normalement ? Nous y faisons face via l’ignorance rationnelle (« Arrête, je ne veux pas savoir ce qui arrive aux animaux (‘de nourriture’) ») et l’irrationalité rationnelle (« On les élève pour la nourriture. » « Qu’est-ce qu’il adviendrait des millions de vaches si nous ne les trairions pas et ne les abattions pas ? » [et des douzaines d’autres objections épistémiquement irrationnelles]).


Préférences de croyance non-épistémique appuyées par des mécanismes de fixation de croyance.

Huemer suggère que peut-être nous ne pouvons croire à volonté des propositions clairement fausses, mais nous pouvons malgré tout parvenir à exercer un contrôle substantiel par rapport à nos croyances politiques (et dans notre cas, résistance au véganisme et aux droits des animaux). Il suggère quelques mécanismes grâce auxquels nous exerçons un tel contrôle.


Pondération biaisée des preuves


Si nous attribuons légèrement plus de poids aux éléments de preuve appuyant nos croyances préférées et légèrement moins de poids aux éléments de preuve allant à l’encontre de nos croyances préférées, l’effet cumulatif de ces petits partis pris dans la pondération des preuves peut être substantiel.


Attention sélective et ‘rationalisation’


Nous avons tendance à accorder plus d’attention à nos croyances et aux idées les appuyant que nous le faisons pour les croyances alternatives. Egalement, comme j’en ai discuté dans l’essai Comprendre le point de vue anti-droits des animaux, nous avons tendance à nous tourner vers des croyances préférées non-épistémiques comme conclusion et de travailler à reculons pour trouver des ‘prémisses’, ‘raisons’, ou ‘rationalisations’ pour la conclusion. Lorsque nous rencontrons des preuves appuyant notre conclusion préférée non-épistémique, nous avons tendance à l’accepter comme argent comptant. Lorsque nous rencontrons des preuves contraires à notre conclusion préférée, nous avons tendance à les examiner minutieusement pour déterminer ce ‘qui ne colle pas’. L’ignorance rationnelle et l’irrationalité rationnelle sont souvent le résultat.

Nous avons également tendance à lire et à interagir avec des sources avec lesquelles nous sommes déjà d’accord, et ces sources sont un flux constant de ‘preuves’ appuyant nos croyances préférées non-épistémiques. En effet, l’une des plaintes les plus fréquentes entendue parmi les gens qui cherchent sincèrement des solutions aux problèmes de la société est que la plupart des gens sont ensevelis dans une information avec laquelle ils sont d’accord. Donc il y a beaucoup de dialogue, mais la grand majorité de celui-ci est regroupé au sein de causes spécifiques avec très peu de dialogue productif avec les ‘outsiders’. Et ce n’est pas seulement ceux concernés par une cause spécifique qui contribuent à cet effet de bulle isolé, mais les ‘outsiders’ sont généralement indifférents et souvent impliqués dans leur propre bulle isolée.


Intelligence et fixation de croyance


On pourrait penser qu’un haut niveau d’intelligence ou d’éducation empêcherait une personne de s’accrocher à de fausses croyances, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Comme le souligne Huemer, la personne très intelligence ou bien éduquée utilise souvent son intelligence ou éducation comme outils permettant de trouver plus de support pour leurs croyances préférées non-épistémiques. Là où une personne moins intelligente ou moins éduquée pourrait abandonner et admettre son erreur, la personne très intelligente ou bien éduquée a plus d’entrainement et de ressource pour soutenir de fausses croyances.


La relation de l’intelligence et de la partialité pour déterminer la vérité sur une question est la suivante : 1) une intelligence élevée et une faible partialité donnent les meilleures perspectives dans l’obtention de la vérité ; 2) une faible intelligence et une faible partialité donnent de bonnes perspectives dans l’obtention de la vérité ; 3) une faible intelligence et une partialité élevée donnent de faibles perspectives dans l’obtention de la vérité ; et 4) une intelligence élevée et une partialité élevée donnent les pires perspectives dans l’obtention de la vérité.

L’irrationalité est un gros problème

Tout comme le conclut Huemer pour l’irrationalité par rapport à la politique, c’est ce que je conclus pour l’irrationalité par rapport au véganisme et aux droits des animaux. C'est-à-dire, l’irrationalité est le plus grand problème auquel nous avons à faire. C’est le plus grand problème car il nous empêche de solutionner d’autres problèmes. Il est analogue à un désordre d’immuno-déficience en santé, où nos méthodes pour surmonter une maladie sont elles-mêmes malades. L’ignorance rationnelle et l’irrationalité rationnelle sont des maladies répandues de pensée claire et de solution de problème.


Que pouvons-nous y faire ?


Comme pour beaucoup de problèmes et de maladies, la première étape pour les surmonter est de reconnaître ou admettre que le problème existe, autant en nous que chez les autres. Une fois que nous diagnostiquons le problème, nous pouvons chercher des causes probables. Nous pouvons nous demander quels motifs ultérieurs nous avons, ou que quelqu’un d’autre a, à croire une certaine affirmation. Nous pouvons explorer les croyances à l’origine de nos croyances préférées pour déterminer quelles raisons instrumentales (égoïste) et épistémiques (désintéressé) avons-nous à croire ce que nous croyons.

Y a-t-il un quelconque parti pris par rapport à un intérêt personnel ? Par exemple, est-ce que nous refusons de penser rationnellement par rapport au véganisme et aux droits des animaux car nos idées préconçues de ce que cela pourrait être si nous étions vegan ? Est-ce que nous croyons quelque chose pour réaffirmer notre image de soi désirée ou pour être intégré dans un groupe social ? Par exemple, est-ce que nous refusons de penser rationnellement par rapport au véganisme à cause d’un manque d’amour propre ou par peur du rejet ? De quoi devons-nous réellement avoir peur personnellement ou socialement – quoi que ce soit ? Est-ce que nous croyons en des affirmations sous-jacentes car elles sont vraies ou parce qu’elles adhèrent bien à d’autres affirmations que nous voulons croire ? Par exemple, est-ce que nous acceptons des croyances irrationnelles par rapport aux êtres non-humains et à leurs intérêts à ne pas être exploités, torturés, et tués car elles adhèrent bien à notre consommation continuelle que nous faisons d’eux et de leurs produits de reproduction ?

Nous pouvons également faire un effort pour développer de bonnes habitudes de réflexion. Nous devrions écouter et considérer attentivement les deux parties d’un argument avec d’accepter l’une ou l’autre. Nous devrions devenir familier avec la logique informelle et les fausses idées courantes. Lorsque nous nous sentons enclins à faire valoir une affirmation, nous pouvons nous demander quelles raisons épistémiques nous avons à croire cela, et également pourquoi nous pourrions vouloir croire l’affirmation (indépendamment de sa vérité). Nous devrions développer un degré plus élevé de scepticisme envers les croyances que nous suspectons avoir des arrière-pensées, peu importe si ces arrière-pensées sont les nôtres ou celles de quelqu’un d’autre. Notre première hypothèse, surtout s’il y a des motifs ultérieurs, comme le profit ou tout conflit d’intérêt, devrait être que l’information qui nous est présentée est fausse, trompeuse, ou incomplète, jusqu’à ce nous l’ayons soumise à un examen plus approfondi et vérification. Un tel scepticisme ne devrait pas simplement s’appliquer aux affirmations positives, ex. « X est vrai », mais également aux affirmations négatives, ex. « X est faux » (en d’autres mots, le propre scepticisme ne revient pas seulement à éviter l’acceptation erronée, mais également à éviter le rejet erroné).

Principalement, nous devrions éliminer notre ignorance par rapport à l’agriculture animale et être épistémiquement rationnel par rapport à cela. Nous devrions faire face aux faits avec courage. L’agriculture animale, peu importe le label (ex : « plein-air » ou « certifié bien-être »), est un business déplorable et nous devrions être au courant à ce quoi nous contribuons. Lorsque nous obtenons les fais par rapport à l’agriculture animale, nous devrions nous méfier des tentatives épistémiquement irrationnelles pour ‘justifier’ notre participation à cela. Nous devrions examiner le problème impartialement, avec un effort particulier pour reconnaître nos motivations sous-jacentes, le cas échéant, pour accepter ou rejeter certaines affirmations descriptives ou évaluatives.

Au final, nous devrions chasser l’ignorance ; cultiver la rationalité épistémique ; et devenir vegan en conséquence.
____________________


Notes:

[1] Par exemple : L’argument de Carl Cohen « of-a-kind » est probablement le plus fort d’une collection incroyablement faiblarde d’arguments fabriqués pour tenter de ‘justifier’ l’exploitation animale grave, mais n’est rien de plus qu’un préjugé confirmé (« oui, je suis un spéciste ») et une idée fausse éludée (le postulat « of-a-kind » de Cohen ne se connecte pas logiquement à sa conclusion que l’espèce est pertinente ; il élude simplement la question en assumant que l’espèce est pertinente selon un « don » dogmatique. Si Cohen insiste qu’il n’assume pas que l’espèce, mais seulement la rationalité conceptuelle, soit pertinente, alors il doit maintenir qu’il soit moralement permis d’infliger des expériences mortelles et douloureuses à des humains souffrant de troubles mentaux. Logiquement, il ne peut pas tout avoir.) Qui plus est, et le plus important, Cohen n’établit jamais pourquoi la possession de rationalité conceptuel-symbolique (par opposition à la simple sentience et l’intelligence perceptuelle) serait nécessaire à un intérêt au propre bien-être au départ.


[2] Lors de la rédaction de cet essai, je me suis fortement appuyé sur le travail du professeur Huemer car il applique de manière efficace l’ignorance rationnelle et l’irrationalité rationnelle, ainsi que bon nombre de leurs causes, aux désaccords politiques en général ; le désaccord par rapport aux droits des animaux et au véganisme étant un sous-ensemble du désaccord moral et politique général. Ceci dit, j’ai également ignoré substantiellement, divergé, et ajouté aux sections du travail d’Huemer, donc cet essai ne devrait pas du tout être pris comme représentatif du travail d’Huemer, et si vous êtes intéressé par son travail, je vous encourage à ouvrir le lien en introduction de cet essai et à le consulter.

Dan Cudahy

lundi 23 janvier 2012

[Traduction] Qu'est-ce qui ne va pas avec les oeufs ?

(Traduction de l'article de Maya Shlayen, "What’s wrong with eating eggs?")


Elevage


Toutes les poules utilisées pour la ponte – incluant les poules d’arrière-cour et soi-disant ‘plein-air’ – débutent leur vie dans un endroit appelé un couvoir (NDT : même si on peut raisonnablement avancer que la majorité des poules naissent dans un couvoir, ce n'est néanmoins pas le cas pour toutes les poules.)


Lorsque les oiseaux sont mis au monde pour la ponte dans ces endroits, la moitié d’entre eux sont nés mâle. D’aucune utilité pour l’industrie des œufs, et incapables de grandir assez vite pour être profitable pour la viande (une autre souche d’oiseaux, connus sous l’appellation ‘poulets de chair’, est utilisée à cette fin), les poussins mâles sont séparés de leurs sœurs et immédiatement tués. Les méthodes les plus courantes d’abattage consistent notamment à broyer leurs corps, ou les jeter – encore vivants et conscients – dans des poubelles géantes, où on les laisse mourir de faim et/ou de suffocation.

 Les coqs (poussins mâles), d’aucune utilité pour l’industrie des œufs, sont ‘écartés’ comme déchet, mourant de faim et/ou suffocant.


Pour chaque poule pondeuse existante, il y a un poussin mâle qu’on a fait venir au monde, seulement pour être immédiatement privé de vie.


De beaucoup de façons, l’abattage des poussins mâles dans les couvoirs illustre vivement ce qui ne va pas dans notre relation avec les non-humains. Les normes sociales et légales en vigueur encadrant les non-humains sont telles que leurs vies n’ont aucune valeur intrinsèque ; ils ont seulement une valeur économique. Leurs vies ne valent que l’argent qu’ils permettent d’engranger – pour nous. Lorsqu’aucun profit ne peut être tiré en leur permettant de vivre, nous les ‘écartons’ immédiatement, comme des serviettes sales. 


Utilisation


Le poulet domestique est un descendant direct d’un oiseau connu sous le nom de Coq Sauvage, dont on pense qu’il soit originaire d’Asie du Sud-est.


Contrairement au Coq Sauvage, qui ne pond que quelques œufs par an, les poules domestiques ont été manipulées par les humains pour pondre jusqu’à 300 œufs (non fécondés) par an. Pour une poule, pondre un œuf non fécondé est l’équivalent biologique de la menstruation des femmes humaines – c’est ce que font leurs corps en absence de fécondation. Puisque le corps féminin normal (dans une tranche d’âge particulière) est supposé être prêt pour concevoir, et puisque la conception exigerait de transmettre des nutriments au zygote/fœtus/bébé, le corps féminin est continuellement chargé de nutriment supplémentaire qui, en l’absence de conception, est alors « relâché » (via la menstruation ou la ponte d’un œuf non fécondé). Par exemple, les femmes humaines en âge de reproduction ont besoin de 18mg de fer quotidiennement, comparé aux hommes (et femmes par encore en âge de reproduction) qui n’ont seulement besoin de 8 mg quotidiennement. Du fer supplémentaire est requis pour compenser les pertes chaque mois.

Tout comme un flux menstruel élevé représenterait un fardeau pour la santé d’une femme humaine, le taux astronomiquement élevé de ponte représente un fardeau pour la santé des poules. Le calcium en particulier semble être perdu par la ponte élevée, ce qui expliquerait pourquoi une mauvaise santé des os est courante.

(NDT : ces paragraphes concernant le rythme de ponte sont incorrects d'un point de vue biologique. Voir la correction détaillée dans le commentaire laissé suite à l'article)

Ce dilemme – notre désir d’obtenir autant d’œufs que possible vs la santé des poules et leur autonomie physique – est un exemple classique du problème de l’utilisation animale et de la domestication en général. Toutes nos utilisations d’animaux – peu importe si c’est « humain » -- impliquent nécessairement de brader leurs intérêts (peu importe leur importance) pour notre gain. La domestication est un contrat social que les animaux ne signent pas (nous les amenons dans ce bourbier), et qui exige nécessairement une dynamique d’exploitation entre eux et nous. Nous les faisons venir au monde comme des êtres vulnérables (les animaux ‘domestiqués’ ne pourraient pas survivre de manière indépendante dans la nature), et ensuite nous commençons leur exploitation pour diverses raisons.


Les corps des non-humains n’existent pas pour l’utilisation et la gratification des humains. Nous ne pouvons pas justifier la ‘domestication’ et l’utilisation des corps d’animaux vulnérables pour notre profit, pas plus que nous pouvons justifier les abus sexuels sur enfants. Tout comme il n’y a pas de manière « juste » ou « compassionnelle » pour molester les enfants, il n’y a pas de manière « non abusive » d’exploiter des animaux vulnérables pour le profit humain.


Si vous vous occupez de poules secourues, faites leur une faveur et ouvrez leurs propres œufs devant elles – elles les mangeront ! Manger leurs propres œufs permet aux poules de regagner beaucoup des nutriments que leurs corps perdent en étant forcées de pondre tant d’œufs au départ. Manger leurs oeufs (les humains) – même dans des situations d’arrière-cour – est problématique car cela les prive de nutriments dont elles bénéficieraient.


Traitement


Bien qu’un meilleur traitement ne résoudrait pas le problème basique qu’est l’utilisation des non-humains comme moyens pour nos fins, la réalité est que toute ‘production’ d’œufs – incluant ‘plein-air’, ‘au sol’, etc – implique la torture de poules.


La raison est simple : les animaux sont des marchandises économiques. Mieux les traiter – en leur donnant plus d’espace, un accès à l’extérieur, etc – couterait beaucoup d’argent. Dans un monde de 7 milliards d’humains affamés, il n’y a tout simplement aucune manière abordable de ‘produire’ assez d’œufs tout en traitant les poules ‘soigneusement’.


La méthode de ‘production’ d’oeufs la plus courante est le système de cage, où les poules sont maintenues dans des cages en grillage métallique. Etant donné l’équivalent d’une feuille de papier sur laquelle vivre leur vie entière, le stress psychologique extrême de la surpopulation conduit souvent à des coups de bec, à des bagarres, et même au cannibalisme. Leurs pattes et leurs têtes se retrouvent souvent coincés entre les grilles des cages, entrainant chez beaucoup d’oiseaux une mort lente de faim et de soif. Un manque d’exercice, combiné à la fuite de devoir pondre un nombre obscène d’œufs, conduit souvent à une santé osseuse fragile et même à l’ostéoporose.


Poules entassées dans des cages à ponte. Notez les os fragiles et la perte de plumes, provoqué par la dépravation physique et les lourdes exigences de ponte.

Les alternatives aux cages à ponte – tels que les systèmes sans cage ou plein air – ne sont rien de moins que des labels de marketing, et ne confèrent pas de bénéfices au bien-être des animaux. La ‘production’ au sol, par exemple, implique l’entassement de centaines de milliers d’oiseaux dans un hangar géant. Les cages individuelles sont remplacées par une cage géante, et la surpopulation est toute aussi mauvaise. Les combats et le cannibalisme sont répandus, et le manque d’espace signifie que les oiseaux pissent, chient, et se marchent dessus.


‘Plein-air’ est également un label dénué de sens. Il n’y a aucune définition légalement approuvée (ou exécutoire) de ‘plein-air’. En fait, les œufs commercialisés comme ‘plein-air’ impliquent de la violence et exploitation identique aux méthodes conventionnelles : 




Abattage


Le mythe végétarien – que le lait et les oeufs n’entraînent pas l’abattage – est tout simplement cela. Comme tous les animaux ‘de ferme’, les poules pondeuses sont dans l’antichambre de la mort. Elles sont maintenues en vie seulement aussi longtemps qu’il soit profitable de les maintenir en vie. Lorsque le cout de nourriture dépasse le bénéfice dérivé de leur ‘production’ d’œufs (toujours à une fraction de leur durée de vie naturelle), elles sont abattues.


Conclusion


La plupart des gens acceptent déjà les idées de base qui devraient les mener – seuls – au véganisme. Nous sommes tous d’accord qu’il est immoral d’infliger souffrance et mort ‘dispensables’ aux animaux. Mais manger des animaux et produits animaux (ou les porter, les utiliser, etc) n’est pas nécessaire :


"La  position  de  l’Association  américaine   de   diététique   est   que   les  alimentations    végétariennes    bien conçues  (y  compris  végétaliennes) sont bonnes pour la santé, adéquates sur  le  plan  nutritionnel  et  peuvent être bénéfiques pour la prévention et le traitement de certaines maladies. Les    alimentations    végétariennes bien conçues sont appropriées à tous les âges de la vie, y compris pendant la  grossesse,  l’allaitement,  la  petite enfance,  l’enfance  et  l’adolescence, ainsi que pour les sportifs."


En effet, nous acceptons tous que les animaux sont quelqu’un, par opposition à quelque chose.
L’élevage et l’utilisation de poules pour la ponte, avec tout ce que cela implique (santé compromise, souffrance, et mort), est une violation de leur droit à l’autonomie corporelle. Cela implique nécessairement de traiter des êtres sentients comme s’ils étaient des objets – quelque chose qui va à l’encontre des normes morales que la plupart d’entre nous prétendent accepter. Le véganisme comble la déconnexion morale en prenant à cœur la notion que les animaux sont quelqu’un par opposition à quelque chose.


La bonne nouvelle est que, au 21e siècle, vous pouvez préparer votre propre gâteau vegan et le manger. Vous n’avez pas besoin d’œufs pour faire de délicieux gateaux, biscuits et cupcakes !


D’autres plats traditionnels peuvent également être préparés sans œufs :










~


Si vous n’êtes pas vegan, envisagez s’il-vous-plaît de le devenir. Si il est immoral d’infliger souffrance et mort ‘dispensable’ aux animaux, alors – par définition – nous ne pouvons pas justifier de manger, porter, ou utiliser des animaux et produits animaux pour nos papilles gustatives, notre confort, notre sens de l’habitude, etc.


« Le véganisme ne revient pas à abandonner quoi que ce soit ou perdre quoi que ce soit. Cela revient à gagner la paix en vous qui provient de l’adoption de la non-violence et du refus de participer à l’exploitation des vulnérables. Le véganisme n’est pas un ‘sacrifice’. C’est une joie. » -- Gary L. Francione

jeudi 19 janvier 2012

[Traduction] Comprendre le point de vue anti-droits des animaux.

(Traduction de l'essai de Dan Cudahy, avec son accord, "Understanding the Anti-Animal Rights Viewpoint")

 

Préface ajoutée en le 25 janvier 2010 : Cet essai concerne exclusivement le point de vue des gens qui plaident activement pour l’exploitation animale. Pour un essai qui explore, entre autre, la raison pour laquelle les gens exploitent les animaux sans nécessairement plaider pour l’exploitation, consultez l’essai plus compréhensible (et plus intéressant) Ignorance rationnelle et irrationalité rationnelle.

On dit souvent qu’il est bon de comprendre le point de vue de l’autre partie dans un désaccord. Je pense que nous pouvons être d’accord sur le fait que ça soit un bon conseil pour tous les désaccords, peu importe le sujet ou participants. Dans cet essai, j’explique ma compréhension générale du point de vue des partisans de l’exploitation animale. Je limite l’essai au point de vue des
partisans de l’exploitation en opposition à ceux qui exploitent, mais restent généralement silencieux sur la question de savoir s’il est justifié que l’on exploite, heurte, et tue des êtres non-humains innocents. Il existe d’autres considérations par rapport à ceux qui exploitent, mais ne plaident pas activement pour l’exploitation, que je ne parcourrai pas ici. Avant de devenir vegan il y a 4 ans, bien que je n’ai jamais plaider pour l’exploitation, j’ai eu bon nombre d’années d’expérience dans la participation à l’exploitation animale à travers ma nourriture et autres achats. Je crois que ces années d’expérience m’ont apporté une base raisonnable pour comprendre et évaluer le point de vue de l’exploiteur, peu importe si il en est partisan ou pas.

Presque tous les partisans de l’exploitation animale aiment consommer et ont l’habitude de consommer la chair (ex : viande) et des fluides corporels (ex : lait, fromage et œufs) des êtres non-humains. Beaucoup de partisans de l’exploitation animale aiment aussi tirer sur des non-humains pour le plaisir, faire des expériences sur eux contre de l’argent (officiellement aussi pour des raisons « scientifiques »), accrocher des parties d’êtres non-humains au mur ou en porter, les utiliser pour leur divertissement, ou faire du profit d’une des nombreuses manières de les exploiter. Ces utilisations sont, individuellement et collectivement, sans aucun doute le motif principal, si pas le seul, des arguments des partisans de l’exploitation animale. Les partisans de l’exploitation ont tous une chose en commun : intérêt personnel et gain personnel, peu importe si ils sont importants ou triviaux.

Les partisans de l’exploitation animale commencent avec la notion, « Je veux [remplissez le blanc : chasser, manger de la viande, consommer des produits laitiers, faire du profit de l’exploitation, etc.] » et démarrent de cette idée égoïste pour chercher des excuses permettant d’appuyer leur utilisation désirée. Dans les excuses trouvées par les partisans de l’exploitation, on retrouve certains préjugés culturels classiques qui nous ont été transmis par des philosophes tels que Rene Descartes, qui nous a dit que les non-humains sont littéralement des « automates » ou « des machines de Dieu » ainsi qu’Emmanuel Kant, qui nous a dit que, parce que les non-humains ne sont pas aussi « rationnels » que nous, les non-humains sont des « choses » (peu importe la manière irrationnelle dont les humains se comportent et réfléchissent ; et sans mentionner la non-pertinence totale de la capacité rationnelle pour distinguer les êtres de choses). Les préjugés culturels sont même inscrits dans notre langage lorsque nous mentionnons les non-humains en tant que « ce » (même lorsque nous connaissons leur gendre) au lieu de il et elle, et « que » au lieu de qui. Bon, de toute évidence si les non-humains étaient réellement de simples « automates » ou « choses », alors nous n’avons en effet aucune obligation morale envers eux. Selon cette vision déformée, les êtres non-humains ne sont pas différents des rochers, des tables et des arbres. On trouve également d’autres excuses dubitatives, mêmes absurdes, choisies pour leurs complémentarités avec la conclusion égoïste désirée que les êtres non-humains ne sont pas moralement pertinents, mais le statut de « choses » est le plus classique et le plus populaire, aussi implicitement qu’explicitement, lorsque les partisans de l’exploitation animale démarrent de leurs conclusion assumée jusqu’à leur « excuse ».

Pourquoi est-ce que les gens s’accrochent parfois à de telles distorsions de la réalité comme le fait que les êtres non-humains soient des « choses » ? Pourquoi certains d’entre nous ignorent de manière flagrante l’évidence de la sentience et de la valeur morale ? Je pense qu’une partie de la raison peut être décrite comme un forme extrême de la doctrine de William James appelée La volonté de croire. “La volonté de croire” est dérivée du pragmatisme de James par lequel la norme épistémologique de la vérité d’une croyance, lorsque nous n’avons pas de preuve, est mesurée selon notre gain à maintenir cette croyance comme vraie.  Si c’est notre norme de vérité alors, selon le pragmatisme de James, nous pouvons ignorer un manque de preuve par rapport à notre croyance qui nous arrange et nous « allons » nous tenir à cette croyance. Les partisans de l’exploitation animale poussent « la volonté de croire » de James plus loin que James en ignorant les preuves contradictoires relatives à une croyance qui nous arrange. De quelle manière nous sommes prêts à ignorer les preuves empiriques contradictoires, comme les similarités moralement pertinentes des êtres humains et non-humains, ou la similarité entre chiens et cochons, pour maintenir une croyance qui nous arrange personnellement est une assez bonne mesure de la radicalité de notre malhonnêteté. [1]

L’honnêteté intellectuelle est ce qui a, et ce qui nous mènera vers plus de justice sociale et de progrès moral dans le monde, peu importe si les victimes de l’injustice sont des êtres humains ou non-humains. Si les partisans de l’exploitation animale adoptaient l’honnêteté intellectuelle en se plaçant dans la position inévitable et peu enviable d’être amené au monde comme être non-humain soumis  aux caprices cruels et exploitants des humains, sans aucune faute de leur part et réfléchissaient depuis ce postulat, appliquant une version honnête de la Règle d’Or et laissant les conclusions résulter de postulats intellectuellement honnêtes au lieu d’arriver à des excuses bidonnes résultant de conclusions préconçues, alors beaucoup de partisans de l’exploitation animale changeraient d’avis, deviendraient vegan, et se situeraient sur un terrain moral et épistémologique solide.

Donc il n’est pas difficile de voir le monde depuis le point de vue du partisan de l’exploitation animale, ou du point de vue du criminel violent, ou du point de vue du tyran. Tout ce que nous devons faire est placer notre propre intérêt au centre de notre critère pour « déterminer » la vérité et la réalité en opposition à  l’exclusion de l’intérêt des autres, aux preuves contradictoires, à l’honnêteté intellectuelle, et nous arrivons à l’essence du point de vue des partisans de l’exploitation.

[1] J’ai édité cet essai le mercredi 14 novembre 2007, par rapport à une déformation des vue de William James dans l’essai original remarquée par un lecteur inquiet. L’édition est expliquée de manière plus complète dans le prochain essai, également daté du 14 novembre 2007. Je m’excuse pour l’erreur.


Dan Cudahy


lundi 16 janvier 2012

[Traduction] Sur l'Enchevêtrement Fait-Valeur

(Traduction de l'essai de Dan Cudahy, avec son accord, "On Fact-Value Entanglement")


(Cet essai fut publié à l’origine dans The Abolitionist.)

Dans notre société moderne, ce que nous appelons « faits » est généralement tenu bien plus haut en estime épistémique que ce que nous appelons « valeurs ». Et les plus estimés de tous les faits sont ce que nous appelons « faits scientifiques ». Et de ce que nous appelons « valeurs », les moins estimées en tant que connaissances sont ce que nous appelons « valeurs morales ». En effet, beaucoup de gens vont jusqu’à nier qu’il puisse y avoir un quelconque « fait moral », déclarant à la place que toutes les revendications morales ne peuvent seulement être qu’une expression des valeurs de culture humaine ou individuelle, qui à leur tour sont à peine plus que les expressions d’émotions ou d’opinions subjectives (faibles).

Mais une telle dichotomie entre des faits et des valeurs devrait-elle exister ? Comme j’argumenterai plus bas, bien qu’une distinction entre des faits et des valeurs puisse être utile, la dichotomie moderne généralement acceptée entre faits et valeurs est tout simplement erronée. Plutôt, les faits et les valeurs sont interdépendants ; et c’est une importante source de confusion, surtout de confusion morale, de prétendre que faits et valeurs sont deux catégories entièrement différentes, et sans rapport, de pensées et perceptions.

Valeurs scientifiques

Beaucoup de lecteurs pourraient être surpris que la théorie de la connaissance appuyant les affirmations scientifiques se base fortement sur des jugements de valeur épistémique ; par conséquent, comme l’a justement déclaré le philosophe et mathématicien américain Hilary Putnam, les faits et les valeurs sont enchevêtrés.

Laissez-moi m’expliquer. La grande majorité des déclarations scientifiques, avec l’exception classique des données d’observation ennuyeuses, sans assistance, sont chargées de théorie. Par exemple, lorsque nous voyons le soleil « se lever » le matin (une observation), selon que nous croyons que le soleil bouge (fait possible) ou que nous bougeons (fait possible) dépendra de notre théorie du mouvement planétaire. Lorsqu’il y a un tremblement de terre (une observation), selon que nous croyons que le tremblement fut causé par une cassure dans une faille géologique le long d’une plaque (fait possible) ou causé par Zeus (fait possible) dépendra de notre théorie des causes des tremblements de terre. Être chargé de théorie ne signifie pas que les affirmations de faits sont peu fiables, ou fausses, mais cela signifie bien qu’elles sont enchevêtrées dans les valeurs.

Qu’est-ce que cela signifie pour une théorie ou déclaration scientifique de fait d’être enchevêtrée dans les valeurs ? Les valeurs scientifiques de parcimonie, élégance, falsifiabilité, vérifiabilité, consistance logique, consistance mathématique, consistance d’observation, pouvoir explicatif, et pouvoir prédictif sont toutes des valeurs aussi bien de théories scientifiques que d’affirmations de fait, aucune d’entre elles ne rendant les théories ou affirmations vraies (en particulier seules), mais prises ensemble elles augmentent significativement la probabilité de n’importe quelle théorie ou affirmation de vérité donnée. Ces valeurs sont les raisons, par exemple, pour lesquelles les biologistes choisissent l’évolution au lieu du « dessin intelligent » ou du créationnisme pour expliquer l’existence des espèces et autres phénomènes biologiques.

Par conséquent, la science et les déclarations scientifiques de faits sont pleines à craquer de valeurs. Cela ne signifie pas que la vérité soit subjective ou relative en science, pas plus que l’enchevêtrement avec les valeurs signifie que la vérité soit subjective ou relative en morale. Cela signifie qu’il existe des critères de valeur utiles (valeurs) pour déterminer quelles théories, affirmations de fait, et interprétations d’observation ont plus tendance à être vraies. Et notre certitude en ce qui concerne la vérité scientifique est fortement tributaire des valeurs.

Valeurs morales

A part les nihilistes, les gens admettront volontiers qu’il existe des valeurs en morale. Les valeurs morales incluraient la justice, l’équité, l’empathie, l’intégrité (consistance d’attitudes, croyances et comportement, aussi bien entre elles qu’au fil du temps), et l’épanouissement de tous les êtres sentients. Tout comme pour les valeurs scientifiques, l’application de valeurs morales (surtout prises seules) ne rendent pas une affirmation morale de fait vraie (ex, une déclaration morale de faits telle que « il est immoral de torturer un enfant. »), mais prises ensemble, cela augmente la probabilité de n’importe quelle déclaration morale de vérité donnée par rapport à une déclaration morale concurrente. Comme c’est le cas pour la science et les déclarations scientifiques de faits, la morale et les déclarations morales de faits sont pleines à craquer de valeurs. Cela ne signifie pas que la vérité est subjective ou relative en morale, pas plus que l’enchevêtrement avec les valeurs signifie que la vérité est subjective ou relative en science. Cela signifie qu’il existe des critères de valeur utiles (valeurs) pour déterminer quelles affirmations de fait moral sont plus vraisemblablement vraies. Et tout comme notre certitude par rapport à la vérité scientifique dépend fortement de valeurs, notre certitude par rapport à la vérité morale en dépend également.

Confondre psychologie  humaine et moralité

A ajouter à la confusion de la fausse dichotomie entre les faits et les valeurs, on trouve également l’amalgame entre psychologie humaine et moralité. Lorsque nous tentons de dériver les faits et valeurs morales de la psychologie humaine, un peu comme l’ont fait David Hume et les sentimentalistes britanniques, nous nous retrouvons avec une infaillibilité morale personnelle ou culturelle et les contradictions incalculables qui résultent de la grande variété de soi-disant « sentiment moral » parmi différentes cultures, personnes, et époques historiques. « Le sentiment moral » survient sous la forme de racisme, sexisme, et spécisme pour aboutir à un génocide, esclavagisme, et oppression dans certaines cultures. « Le sentiment moral » n’est souvent rien de moins qu’un préjugé culturel combiné à une tradition aveugle. Qu’en serait-il si nous confondions la psychologie humaine et la science de la même manière ? Nous dirions alors que l’évolution et le dessin intelligence, bien que contradictoires, sont des façons tout aussi valables de voir le monde du point de vue de ceux  qui tiennent les valeurs épistémiques respectives soutenant chaque théorie. Nous devrions soutenir que nous sommes infaillibles en regard de la connaissance scientifique, et les contradictions résultantes de « faits » scientifiques sont acceptables. En d’autres mots, si nous acceptions des préjugés culturels et individuels en moralité, alors les superstitions culturelles et individuelles devraient être acceptées en science. Après tout, n’est-ce pas simplement une différence de valeurs, morales ou scientifiques ?

Justification de valeurs

Pourquoi devrions-nous accepter les valeurs scientifiques et morales énumérées dans les deux parties ci-dessus ? Comment savons-nous que ces valeurs elles-mêmes ne sont pas une question de superstition ou préjugé ? Autant pour les valeurs scientifiques que morales, nous pouvons en fin de compte seulement nous appuyer sur les valeurs elles-mêmes (et la dépendance à l’égard de notre expérience du monde est l’une de ces valeurs) pour confirmer la certitude de la vérité dans chaque cas – moralité et science.

Mais s’appuyer sur des valeurs pour confirmer les valeurs n’est-il pas une justification circulaire ? Oui, ça l’est ; mais nous n’avons pas le choix en science ou moralité. C’est notre intuition, notre rationalité, et notre expérience sur lesquelles se basent de telles valeurs. Puisque nous ne pouvons pas transcender notre intuition, notre rationalité, ou notre expérience pour confirmer notre intuition, notre rationalité et notre expérience, nous nous retrouvons au final avec une toile Quinéenne de valeurs et de faits enchevêtrés, pas une « fondation » sur laquelle nous construisons des valeurs et des faits. Nos valeurs scientifiques et morales fondamentales peuvent être considérées comme la partie la plus solide et la plus indispensable de la toile, car elles fournissent la plupart du soutien pour les croyances factuelles dans la toile. Si nous voulons éviter les contradictions internes, nous devons considérer les répercussions de tout ajustement de la toile. A ce titre, les ajustements des valeurs fondamentales seront le type d’ajustements que nous serions le moins susceptible de faire.

Valeurs morales appliquées au véganisme

L’application des valeurs morales de justice, équité, empathie, intégrité, et épanouissement de tous les êtres sentients est la raison pour laquelle les vegans abolitionnistes rejettent l’exploitation animale. Outre le fait que la nourriture végane soit délicieuse, il n’y a pas de nutriments connus dans les produits animaux qui ne soient pas disponibles auprès de sources non-animales (dont la vitamine B12). Il existe des alternatives viables et plus efficaces à presque toutes (si pas toutes) les expérimentations sur animaux. Il en découle que au moins 99.99% de l’exploitation animale est à la fois dispensable et dommageable envers les innocents. Exploiter les autres animaux viole de manière flagrante les valeurs morales fondamentales. D’un point de vue moral, exploiter d’autres animaux est l’équivalent scientifique consistant à préférer la théorie qui a été falsifiée, qui pose des explications excessives, et qui échoue à expliquer ou prédire quoi que ce soit, tout en rejetant la théorie qui satisfait les valeurs scientifiques. Tenter de justifier l’exploitation des autres animaux est moralement absurde.

samedi 14 janvier 2012

[Traduction] Spécisme et véganisme: transcendant la politique et la religion.


J’ai écrit cet article avec Angel Flinn, qui est directrice d'éducation pour Gentle World —une communauté d’intention végane et organisation à but non lucratif dont l’objectif est d’aider à construire une société plus paisible, en éduquant le public par rapport aux raisons de devenir vegan, les bénéfices du véganisme, et comment faire la transition..

Cet article fut publié initialement le 10 novembre 2011 sur Care2.

-Dan Cudahy, auteur de Unpopular Vegan Essays
-------------------------------------------------------------------------------

Bien que cela puisse être une surprise pour certains, on trouve des vegans éthiques de toute tendance politique et dans toutes les grandes religions. Le véganisme transcende la politique et la religion car il est basé sur la simple question du rejet d’une forme particulière de préjugé : le spécisme.

Le spécisme, le racisme, le sexisme, et autres préjugés reposent sur un critère moralement impertinent (dans ce cas-ci, l’espèce) comme base pour nier les intérêts d’individus appartenant à un ‘groupe’ différent, même si ces intérêts sont plus significatifs que les nôtres. A ce titre, le spécisme est simplement une forme différente du même mal sous-jacent à la fondation de tous les préjugés. Sur quel critère moralement impertinent nous basons notre préjugé n’a pas vraiment d’importance – le sexe, la race, la couleur de peau, l’âge, l’orientation sexuelle, l’espèce – il est éthiquement immoral d’utiliser un tel critère arbitraire pour nier les droits des autres.

Malgré l’évolution culturelle qui a éloigné l’humanité de la mentalité ‘tuer ou être tué’ des temps préhistoriques, le monde aujourd’hui reste profondément spéciste. Le préjugé extrême de notre spécisme culturel va bien plus loin que le mépris du droit d’un individu à éviter la persécution. Il s’étend jusqu’à l’indifférence absolue du droit à être libre de l’emprisonnement injuste, du tourment mental et émotionnel, de la violence physique extrême sous forme de mutilations et l’infliction de blessure et mort. Possédés en tant que biens de propriété, sans aucune loi pour protéger leurs droits les plus fondamentaux, ceux qui ne sont pas humains sont condamnés à une vie sans protection contre l’oppression brutale et incessante de ceux qui contrôlent leur monde : Nous.

L’exploitation animale est parfaitement légale et socialement acceptable partout dans le monde, malgré l’émergence d’alternatives satisfaisantes à quasiment toutes les utilisations (sans mentionner celles encore à développer, une fois que notre société rejettera nos pratiques spécistes actuelles). Bien qu’il y ait un mouvement grandissant attirant l’attention sur les nombreuses violations brutales de droits régulièrement perpétrées contre les non-humains utilisés pour le profit humain, nous continuons à confiner, blesser et tuer des animaux de tout genre, maintenant des pratiques abusives dispensables, vétustes, pour la production de nourriture, la recherche, la mode, et même le divertissement.

La nature omniprésente de ce préjugé culturel extrême explique pourquoi le spécisme (et la réponse morale appropriée au problème : le véganisme) n'est pas lié à la tendance politique. Bien que les mouvements de justice sociale proviennent généralement de la gauche, il y a des conservateurs politiques qui ont des principes vegan, alors que certains de gauche, malheureusement, continuent de se moquer des questions de droits des animaux. En fait, il est remarquable que la grande majorité de ceux politiquement à gauche choisissent de rester mal informés et d’ignorer délibérément ces questions flagrantes de justice, ce qui inclut leur propre participation dans des pratiques qui seraient justement abhorrées par quiconque en contact avec sa conscience.

Comme c’est le cas en politique, il en est de même pour la religion. Les chrétiens étaient fortement divisés sur la question des esclaves humains en Amérique avant la guerre civile, les partisans de l’esclavagisme utilisant des passages de la bible pour défendre leur droit ‘divin’ de posséder des esclaves. Les opposants à l’esclavagisme citaient d’autres passages de la bible pour faire remarquer que l’esclavagisme était condamné par dieu. Et il en est de même pour les droits des animaux aujourd’hui. Ceux des deux côtés du problème utilisent des passages de textes religieux soit pour justifier l’abattage dispensable, ou pour valider l’éthique végane de non-violence.

Les religions asiatiques n’y font pas exception. Beaucoup des bouddhistes d’aujourd’hui tentent de justifier l’utilisation d’animaux, l’abattage dispensable et le spécisme en pointant les failles dans les diverses écritures contradictoires de l’enseignement de Buddha de la compassion universelle pour tous les êtres sentients. D’autres bouddhistes choisissent plutôt de pratiquer et promouvoir le véganisme comme la réponse rationnelle à l’enseignement bouddhiste de la non-violence. Vraisemblablement, étant été libérés de leur propre spécisme, les bouddhistes vegans sont capables de voir au-delà de telles rationalisations préjugées, et reconnaissent l’autorité supérieure dans la vérité que Bouddha essayait apparemment de transmettre à ses élèves.

(En d’autres mots, si le Bouddha n’était pas un vegan, comme le déclarent certaines personnes, alors il ne vivait pas selon ses propres enseignements, ce qui indique très clairement que le respect de la vie sentiente est un principe fondamental d’une existence spirituelle.)

Dans tous les cas, il est clair que la politique et la religion sont sans rapport avec le rejet de notre préjugé commun contre les autres êtres sentients. Peu importe si on est conservateur, libéral, gauchiste, juif, chrétien, bouddhiste, athée, ou tombons dans toute autre catégorie, nous avons le choix de reconnaître et de rejeter le spécisme culturel sous-jacent que nous avons tous été conditionnés à accepter.

En fait, on pourrait dire qu’une prise de conscience profonde des droits essentiels et besoins de tous les êtres sentients est le terrain d’entente que chacun d’entre nous partage. Malgré nos nombreuses différences et divergences, sous la religion, la politique, la vision du monde, les intérêts, les personnalités, l’apparence, la taille, le sexe, la couleur et même l’espèce, sous tout cela, chacun d’entre nous est composé de chair et de sang. Ou, comme le Bouddha lui-même l’aurait enseigné :

«  Tous les êtres tremblent devant la violence. Tous craignent la mort. Tous aiment la vie. Voyez-vous à travers les autres. Alors qui pouvez-vous blesser ? Quel mal pouvez-vous faire ? »

Dan Cudahy,
Angel Flinn.

mardi 10 janvier 2012

[Traduction] Le rôle du welfarisme et du neo-welfarisme dans la fabrication du consentement pour l'utilisation des animaux.


Introduction
Comme introduction, je pense qu’il sera utile d’expliquer un petit peu plus les prémisses et définitions que cet essai comporte.
La fabrication du consentement
Lorsque nous parlons d’affaires et de gouvernement, la théorie de Chomsky nous fournit des idées sur le fait que le consentement de la société pour des problèmes divers n’est pas seulement donné par les individus de la société, mais ‘fabriqué’ par l’institution (et en particulier les médias) qui a besoin du consentement afin de s’épanouir.1
Aujourd’hui, ce n’est pas une théorie qui est aussi peu intuitive qu’elle l’ait été lors de la publication du séminal de Chomsky et Herman ‘La fabrication du consentement : l’économie politique des médias’ en 1988. Nous sommes maintenant conscients des annonceurs et psychologues recrutés par les entreprises pour commercialiser des produits pour nous – un procédé qui a beaucoup de débouchés, la résultat principal étant soit de nous rendre attentif à un produit que nous pourrions vouloir consommer, mais plus vraisemblablement de fabriquer un désir en nous pour quelque chose pour lequel nous n’avions auparavant aucun désir.
De cette position, il est aisé de se rendre compte que la réalisation de notre consentement n’est pas automatiquement assuré par rapport à certaines questions. Que ça soit un nouveau produit pour lequel les annonceurs créent en nous un désir à cause de l’efficacité de leur commercialisation, ou le vote que nous donnons aux partis politiques du à l’information favorable que la presse fournit ; le consentement, à son niveau de compréhension le plus profond, est fortement influencé par ceux qui contrôlent ce que nous savons et ne savons pas, ou ceux à des postes en qui nous avons confiance.
Les Animaux non-humains dans les médias
Le but de cet article est de prendre les idées mises en avant par cette position Chomskyenne, et de les appliquer aux intérêts des animaux non-humains (ici référencés en tant qu’ ‘animaux’).
La question des animaux est presque entièrement unique. Alors qu’avec les questions humaines, les gouvernements et les médias ont des raisons et des agendas à suivre, avec les animaux ces raisons et agendas ne sont pas si clairs. Il y a certainement des moments où il est profitable de fournir une information dans les médias au détriment des animaux (par ex, lorsque les intérêts des animaux sont dans le chemin d’un profit économique direct, ou de la popularité d’un gouvernement). Cependant, dans l’ensemble, ces situations sont moins reconnaissables, car les forts intérêts d’entreprises/gouvernements profitent également des alternatives à l’utilisation animale, les rendant donc quasiment nulles en matière de partialité. En conséquence, les médias semblent bien plus neutres dans leur manière de présenter les animaux dans l’ensemble, et paraissent plus souvent du côté des animaux dans des cas de cruauté ‘excessive’, etc.. plutôt que des institutions qui profitent de cette situation. Mais je ne me pencherai pas plus en détail sur cette partialité potentielle (ou manque de partialité) car ce n’est pas le but de cet article ; je vois juste ça comme un point intéressant.
L’une des choses qui est, cependant, claire lorsqu’il s’agit d’animaux, est que nous donnons un plus grand pouvoir aux groupes qui semblent se soucier de leurs intérêts. Tandis que pour les histoires d’intérêts humains, nous tendons à nous faire notre propre opinion, et avons nos opinions influencées seulement par la couverture médiatique, pour les animaux cela est présenté de manière légèrement différente. Une poignée de groupes ‘patronaux’ pour animaux sont cités et utilisés, dépendant largement de la question, et on leur donne donc ‘autorité’ par rapport à ce que sont les intérêts des animaux. Dans un ordre quelconque, au Royaume-Uni ces groupes sont normalement constitués de la RSPCA, Animal Aid, VIVA !, et (de manière moins fréquente ces derniers temps) d’autres groupes plus petits avec des agendas plus ciblés, comme la Coalition pour l’abolition du marché de la fourrure.
Ce sont les agendas et les décisions de ces groupes qui tendent à être promus, car ils sont vus comme les autorités par rapport à ce que les animaux doivent obtenir, moralement parlant. Les médias choisiront généralement ce qui est le plus susceptible d’attirer l’attention, ou utilisent un angle donné lorsqu’ils interagissent avec ces groupes. Mais, il semble qu'ils soient beaucoup plus susceptibles (selon la campagne) de prendre parti pour les intérêts des animaux selon ce que l ’autorité" dit à ce propos. Cela donne, à son tour, plus de ‘poids’ aux histoires de la presse dans l’opinion publique, et un sens plus élevé de l’importance pour attirer le public.
Il est important de noter que ces groupes semblent être appelés à donner leur ‘verdict’ sur des situations basées sur les animaux plus souvent lorsque la situation comporte des intérêts économiques ou institutionnels. Par ex, nous entendrons l’opinion de VIVA ! sur l’abattage ‘Halal’ dans les abattoirs 2, ou l’opinion d’Animal Aid sur la mort de chevaux pendant le Grand National 3, cependant nous ne les entendons pas toujours cités lorsqu’il s’agit de violence isolée – par exemple l’abus d’animaux de compagnie. Pourtant, nous voyons parfois des groupes patronaux référencés par rapport à cela aussi, les patrons principaux étant ceux qui sont perçus comme se souciant des intérêts des isolés, comme la RSPCA.
Welfarisme et neo-welfarisme
Le welfarisme est un terme qui réfère à la croyance que nous avons un droit d’utiliser les animaux à nos fins, mais  que nous devons respecter leur ‘bien-être’ et les traiter ‘correctement’ si nous le faisons. Le neo-welfarisme réfère à la croyance que nous n’avons aucun droit d’utiliser les animaux pour quoi que ce soit (ou du moins pas de façon conventionnelle), cependant une approche de ‘welfarisme’ (par ex des campagnes de bien-être) fournira des ‘avancées’ vers la réduction ou l’abolition de l’utilisation animale ; avancées qui nous permettent également d’ ‘aider les animaux maintenant’. D’autres avancées utilisées dans le neo-welfarisme incluent les campagnes ciblées, dans lesquelles les groupes font campagne pour l’abolition d’une forme particulière d’utilisation animale ou de méthode de traitement.
Tous les grands groupes promouvant les intérêts des animaux semblent tomber dans l’une de ces deux catégories, bien que la limite entre les deux devienne de plus en plus, et peut-être intentionnellement, floue. Il est profitable pour les groupes ‘patronaux’ de faire appel à ceux qui croient aussi bien au welfarisme qu’au neo-welfarisme (augmentant le soutien pour les campagnes et les dons), et dès lors brouiller les frontières au niveau public est un moyen d’augmenter sa popularité.
Welfarisme
  1. Les gens de la RSPCA suivent une position welfariste, et tendent à se concentrer sur des campagnes visant des idées subjectives comme la ‘cruauté excessive’, et cherchent à éliminer les traitements ‘pires que tout’ infligés aux animaux. Cette approche est viciée pour un certain nombre de raisons, l’essentiel étant : les animaux sont vus comme des produits (pas comme des personnes) selon la loi, et donc un appel à leur bien-être est inefficace. C’est pourquoi les campagnes fructueuses tendent à seulement réussir à rendre leur exploitation plus efficace. Par exemple, les campagnes se concentrent sur le gain financier si l’industrie interdisait une certaine pratique cruelle, etc.., afin de recueillir plus de participation de l’industrie. En conséquence, les groupes militants finissent souvent par faire des campagnes basées purement sur ces facteurs, afin d’obtenir un plus grand succès. Cela signifie qu’aucun intérêt des animaux en question n'est mis sur le tapis, résultant en des changements principalement esthétiques, qui n’ont souvent très peu (voir pas du tout) de valeur pragmatique pour les animaux en question. 
  2. Les campagnes de bien-être sont anthropocentriques. Elles se concentrent sur de ‘légères’ améliorations (principalement à cause du point a) et s’appuient sur le fait qu’il soit mieux d’exploiter les animaux de cette façon qu’auparavant. Les partisans des œufs au sol, par exemple, déclarent souvent quelque chose du genre est-ce que tu ne préfèrerais pas avoir un peu plus de place si tu étais en cage? 4. Ce n’est pas pertinent pour n’importe quel animal sauf pour les humains, et c'est donc nettement anthropocentrique. Les animaux ne sont pas conscients que les choses pourraient être meilleures ou pires s'ils ne l’ont jamais expérimenté (tout comme les hommes ne le pourraient pas), et leur souffrance est 100% réelle pour eux à l’instant où ils le vivent – donc les campagnes de bien-être font très peu, si quoi que ce soit, pour améliorer la vie des animaux actuels visés par ces campagnes, elles rendent simplement les gens plus à l’aise car cela parait ou semble mieux de notre point de vue humain (c’est surtout pertinent car les lois de bien-être prennent des années à être appliquées, et d’ici là les animaux emprisonnés ne connaitront pas les conditions précédentes – en soi aucun individu animal n’aura été aidé ou aura vu ses conditions s’améliorer). 
  3. Les campagnes de bien-être fabriquent explicitement le consentement. Les gens sont préoccupés par les horreurs endurées par les poulets dans les fermes industrielles, par exemple. Cependant, des labels (tels que ‘freedom food’) sont mis sur le marché créant des poules plus heureuses, et donc ils réussissent à apaiser la préoccupation des consommateurs 5. Très peu, ou rien du tout, n’a été amélioré pour les animaux, et pourtant le consentement est donné pour leur exploitation. C’est une méthode classique de fabrication du consentement pour une action immorale, et pourrait directement prendre place dans un modèle de propagande de Chomsky. 6 


Dans tous les cas, une campagne de bien-être échoue par son incapacité à souligner ce qui améliorerait en réalité la vie d’un non-humain, et par une méconnaissance de l’idée que la plupart, si pas toutes, des campagnes qui pourraient réellement améliorer la situation des non-humains pour nos utilisations, sont rendues impossibles du à leur statut de propriété aux yeux de la loi, et de nos opinions sociétales 7. Qui plus est, ces campagnes apaisent la véritable préoccupation des consommateurs par rapport à notre utilisation des animaux, et donc elles finissent par fabriquer du consentement pour une action immorale en fournissant une image illégitime de ‘bien-être’. Cela, à son tour, ne fait rien pour satisfaire la nature de la préoccupation identifiée par les consommateurs, dû à l’incapacité mentionnée ci-avant à améliorer quoi que ce soit pour les animaux actuels. Nous pouvons mettre en évidence des cas de welfarisme à travers des concepts comme les produits animaux « plein air », « bio », « humain » et, le pire de tous, « heureux » qui sont mis sur le marché comme alternatives à la cruauté excessive offerte dans l’utilisation animale ‘normale’ ou ‘industrielle’.
Neo-welfarisme
La plupart de la société est en accord avec la position welfariste, dû au fait que les médias en font la promotion, vu que c’est la méthode la plus facile et donc la plus populaire pour solutionner la culpabilité de l’exploitation animale. Cependant, beaucoup de groupes militant pour les animaux réalisent qu’il est difficile de s’occuper des intérêts des animaux tout en adoptant une position welfariste (un bref résumé des problèmes des tactiques welfaristes a été soulevé dans la section précédente).
En conséquence, divers groupes se tournent vers le neo-welfarisme, acceptant le fait que nous n’avons aucun droit d’utiliser les autres animaux, et en effet aucun moyen de les utiliser humainement sans violer leurs intérêts fondamentaux. Tous pourtant, jusqu’à un certain degré, utilisent le welfarisme dans leur tactique, comme un ‘pas’ vers une société plus gentille et plus consciencieuse.
Utiliser le welfarisme en soi semblerait contre-productif, vu le raisonnement donné précédemment. Le welfarisme ne fait rien pour les animaux en plus d’aider à fabriquer le consentement pour leur exploitation. Ce n’est ni un pas pour le bien-être des autres animaux, ni un pas vers plus de désaccord avec leur utilisation – en fait dans le dernier cas, c’est le contraire. Donc, l’utilisation du welfarisme par les groupes neo-welfaristes est aussi déroutante que contre-productive, vu leur position pour l’abolition de l’utilisation animale. S’ils adoptaient la position welfariste de groupes comme la RSPCA, alors il serait juste d’au moins leur accorder l’ignorance. Mais vu leur insistance sur l’utilisation immorale des animaux, nous devons commencer à questionner à quel point ces groupes sont efficaces/sincères. Après tout, ils prétendent voir les problèmes du welfarisme, en étant pro-abolition par rapport au sujet, et pourtant utilisent le welfarisme pour lequel ils constatent des problèmes, comme méthode pour arriver à la solution qu’ils identifient comme la bonne direction à suivre. C’est paradoxal, autant de manière hypothétique que pragmatique.
C’est ce genre de groupes (neo-welfaristes) sur lequel je me pencherai principalement dans cet essai. Ce genre de groupes, Animal Aid, PETA, VIVA ! 8, etc., ont de l’influence dans les médias, tout en étant neo-welfaristes. Mon but est simple – je souhaite établir que ces groupes jouent un grand rôle dans la fabrication continue du consentement pour l’exploitation des animaux.
Education végane et abolitionnisme
Comme point de départ, il est utile de rappeler que tous les neo-welfaristes semblent être en accord avec une chose – le véganisme est l’idéal, et l’éducation végane est utile. Le véganisme comprend l’abolition de l’utilisation animale dans sa vie, et le refus de manger, porter ou d’utiliser des animaux, dans la mesure du possible. Le but déclaré et pratique d’un groupe neo-welfariste est que tout le monde choisira, ou devrait choisir le véganisme au final. Ils voient simplement le welfarisme et les campagnes ciblées comme un moyen d’y arriver.
L’abolitionnisme est l’autre option, si vous voulez. La théorie abolitionniste (écrite initialement par Gary L. Francione 9) soulève beaucoup des points évoqués dans cet essai par rapport à la nature contre-productive du welfarisme, et fournit des raisons impérieuses d’éviter les campagnes ciblées. Elle fournit des arguments pour montrer que l’éducation végane créative et non-violente, associée à une campagne abolitionniste basée sur les droits des animaux, est le chemin pour un changement effectif, durable, significatif pour les autres animaux.
Avec ça en tête, si on est d’accord avec les problèmes mis en avant pour la façon neo-welfariste de faire les choses, on ne devrait donc pas sentir inutile quant à la façon d’effectuer des changements. Bien que je ne m’étendrai pas sur l’entièreté de la théorie abolitionniste pour le moment, il est important de se rappeler qu’il y a une autre option avant qu’on commence – et donc il devrait être plus facile de garder un esprit ouvert par rapport à l’efficacité du neo-welfarisme. Il est également important de se rappeler que les neo-welfaristes ne sont pas en désaccord avec l’éducation végane la plupart du temps, ils pensent simplement qu’ils ont également besoin de leurs méthodes welfaristes et des campagnes ciblées. C’est au lecteur de décider si c’est le cas après lecture des pages suivantes, ou si elles ne sont non seulement pas nécessaires, mais également nuisibles par leurs effets sur les animaux.
Campagnes de bien-être – l’ ‘angle’ neo-welfariste
Les bases
Il y a d’énormes arguments qui pèsent contre les campagnes de bien-être, et ceux-ci sont établis dans des domaines académiques tels que la loi, l’économie et bien entendu la philosophie. Comme mentionné plus tôt, Gary L. Francione fut peut-être le premier académicien à commencer l’analyse de ceux-ci en littérature écrite. Le livre ‘Rain without Thunder : The ideology of the animal rights movement’ de 1996 commença à expliquer pourquoi les défenseurs des animaux n’allaient nulle part avec de telles campagnes.
Francione a inventé les termes ‘welfarisme’ et plus tard ‘neo-welfarisme’ pour décrire les croyances idéologiques différentes par rapport aux animaux, et par la suite la nature problématique de ces deux croyances. Le problème du welfarisme résidait dans son incapacité à faire quoi que ce soit de significatif pour réduire la souffrance des animaux, et également son refus anthropocentrique de considérer la sentience comme raison de ne pas prendre une vie inutilement en premier lieu (et à la place de se pencher sur des aspects non-pertinents de la manière dont on devait traiter la vie et la prendre). Les problèmes du neo-welfarisme découlaient d’une source similaire, mais incluaient également le fait que le welfarisme était, et est toujours, un outil de l’industrie pour maintenir les ventes, ainsi qu’un outil que l’industrie animale utilise régulièrement pour rendre l’exploitation des animaux plus efficace, pas moins. Donc voir le welfarisme comme un pas vers l’abolition revient simplement à ignorer les faits.
L’ ‘angle’
Il semble que les partisans du neo-welfarisme soient, à un certain point, conscients de cela. Par exemple, dans la plupart des campagnes welfaristes d’Animal Aid, on peut trouver la phrase étrange qui nous fait penser qu’ils essayent de rendre les gens conscients du véganisme – c’est ce que je décris comme l’angle neo-welfariste.
L’angle est la méthode par laquelle un groupe neo-welfariste introduira une simple phrase, ou un sentiment isolé, qui rejette l’exploitation animale dans son ensemble, ou promeut le véganisme dans son ensemble, à l’intérieur d’une campagne contre une utilisation unique .10
L’industrie accepte  en réalité le welfarisme et l’utilise dans ses campagnes commerciales, et le voit comme un outil permettant une augmentation des profits et un niveau plus élevé d’utilisation animale. Lorsqu’on fait remarquer cela, un neo-welfariste pointera rapidement l’angle comme défense – une manière de dire ‘Je suis d’accord jusqu’à un certain degré, mais nous disons explicitement aux gens que le véganisme est meilleur/que toute utilisation animale est immorale’. Bien que cela soit une réponse qui sonne bien, et donne aux neo-welfaristes une sorte de bouclier avec lequel défendre leurs exploits, ça ne tient pas la route du point de vue pratique. Examinons la manière dont fonctionnent ces campagnes, ce qu’elles visent, et comment elles cherchent à réussir. Au final, toutes ces choses peuvent se résumer en deux mots – les médias.
Les médias ont un agenda prépondérant, même lorsqu’il s’agit de la question la moins menaçante de l’utilisation animale. Ils veulent battre la concurrence – vendre plus de journaux que leurs rivaux, avoir plus de spectateurs que les autres chaines, etc. De là, les médias ont tendance à maintenir les normes de la société, en cherchant à être les meilleurs par rapport à ce que les gens veulent entendre, car c’est de là que proviennent les bénéfices pour les entreprises médiatiques.
Donc lorsqu’un groupe animal, comme Animal Aid, arrive avec une campagne de bien-être pour attirer l’attention des médias, disons leurs campagnes pour le placement de vidéosurveillance dans tous les abattoirs (pour surveiller les travailleurs et éliminer la cruauté ‘excessive’), ils fournissent souvent un angle qui, selon eux, contre le problème du welfarisme. Dans cet exemple particulier, l’angle sur leur site web était ‘Animal Aid croit que peu importe si c’est ‘bio’, ‘traditionnel’, ‘kasher’ ou ‘halal’, tout abattage est dispensable et immoral, et la seule manière de prévenir une telle souffrance est de se passer de viande.11
Nous ignorerons un instant qu’ils ont dit ‘se passer de viande’ alors qu’ils pensent également que les produits animaux tel que les produits laitiers et les œufs causent des problèmes moraux.12  Si nous revenons au point précédent, nous réalisons que les médias veulent maintenir la norme dans la société, ou seulement fournir des remises en question populaires, de manière à bien se vendre. Mais publier des campagnes entières sur des problèmes uniques est excessivement détaillé et impopulaire. Et, par ailleurs, quoi que ce soit qui implique la publication d’un défi par rapport à la croyance majoritaire serait risqué à moins que l’éditeur ait une raison de croire qu’un changement immédiat serait à venir de manière à les soutenir (et donc de récolter des bénéfices de ces efforts). Donc les médias seraient heureux de promouvoir le message welfariste sûr, court, que nous devrions faire ce léger changement, insignifiant, consistant à placer des caméras dans les abattoirs. Et, en effet, Animal Aid crie victoire en ayant atteint les médias dans ce sens – maintenant beaucoup de supermarchés ont commencé à acheter de la viande provenant seulement d’abattoirs disposant de caméras.
Cependant, les médias ne montreront pas la campagne entière. Et l’angle est exactement ce qu’ils omettent, car il contient le petit morceau du message qui est impopulaire. Donc, bien que les groupes neo-welfaristes utilisent cet angle comme argument pour contrer les problèmes du neo-welfarisme, ils ne réussissent pas par rapport à leurs propres opinions de manière pratique. Et comment pourraient-ils ? Les médias ne sont pas conçus de cette manière. Ils enlèveront toujours les parties qui ne recueilleront pas l’aval de leur audience. L’angle est aussi vicié idéologiquement que l’était l’approche neo-welfariste en premier lieu. Il est clairement mieux de fournir un angle que de ne pas en fournir du tout, mais ça ne résout pas les problèmes visés. S’ils voulaient éviter ces problèmes de tactiques welfaristes, leur solution aurait été d’abandonner la campagne, ou de fournir un angle qui faisait tellement partie de la campagne que les médias ne l’auraient pas touché en premier lieu (vu qu’il est trop controversé et hors-sujet par rapport à l’audience des médias). Ce qui devrait être clair après cette analyse de cette campagne, et cette phrase finale, est que le welfarisme, de par sa nature profonde, crée des problèmes pour les animaux qu’il ne peut pas résoudre par ses propres moyens – donc c’est pourquoi les groupes neo-welfaristes ne s’identifient pas au welfarisme au départ.
Avec ce que nous connaissons à propos des médias, et ce que nous connaissons à propos du welfarisme, si une campagne est un succès, il est naturel de faire la supposition que c’est contre-productif. Les médias chercheront des patrons étant d’accord avec le consensus de la société, qui est pour l’instant la pensée welfariste. Fournir un angle pour essayer de contrer cela est futile, au mieux, aussi longtemps qu’on fournit un problème qui est facilement séparable de l’angle au départ. Une campagne qui vise la réalisation d’une loi de bien-être unique, ou d’une action de bien-être unique (comme la campagne visant à installer des caméras dans les abattoirs) est de toute évidence différentiable des quelques lignes de la campagne incitant les gens à envisager le véganisme (ou, plutôt, le végétarisme, dans le cas d’Animal Aid, qui pose d’autres problèmes comme discuté plus tard). Ce n’est pas un problème caché ; il est clair que les médias ne mettent pas en avant l’angle, tout comme il est clair que les ressources d’Animal Aid qui promeuvent ce genre de campagnes n’impliquent pas l’angle en tant qu’élément essentiel, mais plutôt comme moyen optionnel. Ce point n’incite pas seulement à arrêter ce genre de campagnes, il nous incite également à nous poser des questions sur les vraies intentions de groupes comme Animal Aid – vu que l’angle est utilisé soit parce que le groupe ne comprend pas le problème convenablement au départ, soit parce qu’il souhaite avoir un moyen de défense lorsque les gens leur demandent pourquoi il s’engage dans des mesures welfaristes contre-productives. Vu le véritable marketing et l’expertise médiatique impliqué dans ses groupes de nos jours, on doit être prudent d’affirmer que ces groupes ne sont pas conscients des dégâts qu’ils causent.
Campagnes ciblées
La différence
Les campagnes ciblées (CCs) sont soutenues par la grande majorité de ceux qui sont en désaccord avec les tactiques welfaristes, et pourtant font très peu pour éviter les mêmes problèmes – ce qui est un autre phénomène déconcertant. Alors qu’on peut critiquer une CC visant la promotion de tactiques welfaristes (comme dans l’exemple d’Animal Aid ci-dessus, où ils ont mené une campagne visant l’installation de caméras dans les abattoirs), les partisans les défendent selon le motif qu’elles peuvent également être ‘abolitionnistes’.
Par cela, ils veulent dire qu’on peut mener une campagne ciblée pour s’opposer à une utilisation animale entière, par ex la plus populaire, l’industrie de la fourrure13. Ceci est différent d’une campagne de bien-être normale, car elle vise à abolir une utilisation, plutôt que de la rendre plus douce, ou plus humaine. En conséquence, beaucoup pensent que ces campagnes sont une perspective différente, et sont réellement utiles dans leurs démarches. En effet, certains pourraient prétendre ne pas du tout être neo-welfariste.
Le lien neo-welfariste
On doit se pencher sur le role que les CCs jouent dans la fabrication du consentement afin de voir pourquoi elles restent toujours intrinsèquement neo-welfaristes par nature. Retournons aux médias.
Tout comme avec le welfarisme, les médias sont le plus grand outil de la réussite des CCs. Ce que nous avons déjà établi est que les médias neutralisent facilement les messages ouvertement ‘abolitionnistes’ ou ‘vegan’ pour à la place faire la couverture des parties plus populaires des campagnes, s’ils trouvent un moyen de le faire. Pourtant, les campagnes de bien-être ne sont pas la seule forme populaire du plaidoyer des droits des animaux dans les médias, et il n’est pas rare de voir des campagnes contre la fourrure, ou contre la chasse à la baleine, ou peut-être même contre le foie gras, recevoir un nombre significatif de lignes dans les journaux. La raison à cela est que ces utilisations d’animaux sont perçues comme ‘extrêmes’ par la société, et donc les campagnes sont populaires vu les changements insignifiants qu’elles demandent aux gens de faire dans leur vie (même dans le cas où elles appellent au boycott, cela a tendance à être réduit, insignifiant, comme pour la fourrure ou le foie gras que les gens n’achètent pas souvent de toute manière).
Les campagnes contre les utilisations ‘extrêmes’ sont soutenues par beaucoup pour les mêmes raisons que les tactiques welfaristes, et présentent de nombreux résultats semblables. Premièrement, les gens se sentent coupables lorsqu’ils voient l’exploitation animale, et les CCs visent à fournir de l’apaisement, excepté le véganisme, tout comme une campagne welfariste. La fourrure, la chasse à la baleine, et le foie gras, par exemple, sont des cas classiques que presque tout le monde soutient. Et pourtant, la plupart des gens ne soutenaient pas ces industries en premier lieu. De manière plus générale, voici comment les CCs fonctionnent cependant – elles fournissent un nombre d’utilisations ‘extrêmes’ contre lesquelles les gens peuvent être contre, de manière à ce que les gens ne doivent pas vraiment faire quoi que ce soit, et se sentent mieux malgré tout par rapport au sujet – tout comme lorsque les gens peuvent acheter des produits ‘plein air’ de temps en temps, et se sentent alors mieux car ils ‘font quelque chose’. Les médias les adorent également, car elles fournissent des articles populaires pour lesquels les gens peuvent ‘être contre’ quelque chose sans faire grand-chose en réalité, voir rien du tout, tandis que les groupes de défense les adorent car ça leur rapport des dons à un rythme alarmant de gens qui, de manière similaire, ne veulent pas faire quoi que ce soit si ce n’est donner de l’argent ou être en colère contre un problème pour apaiser leur conscience.
A quel niveau ces campagnes aident-elles en réalité les animaux cependant ? Les groupes de défense des animaux brandissent l’exemple de la campagne anti-fourrure, dès qu’on mentionne l’inefficacité des CCs. Elles font référence au fait que la production de fourrure fut interdite au Royaume-Uni 14, et donc la campagne fut une réussite, et les animaux ont été aidés. Ils omettent de référencer tous les faits cependant. La fourrure n’a jamais été particulièrement populaire au départ – elle n’atteignait pas les ventes des autres peaux plus populaires, comme le cuir, et donc c’était facile pour les gens de la rejeter puisque cela n’impliquait peu ou aucune action de leur part. La campagne en elle-même déplaça la production à l’étranger (avec une aide financière du gouvernement pour aider les entreprises de fourrure à se délocaliser, car il n’y avait pas d’objection solide à la pratique en termes légaux15), mais n’a pas fait baisser énormément la demande de fourrure16. On peut remarquer que les militants ont eu ce qu’ils voulaient (par ex, une interdiction de certains élevages à fourrure anglais – les lapins peuvent toujours être élevés pour la fourrure), et se réjouissent et référencent cela en conséquence. Cependant, les animaux n’ont vu aucune amélioration puisque le nombre d’animaux utilisés n’a pas baissé de manière significative (et comme le montre la référence précédente, cela augmente de manière continue). Ils sont toujours demandés, et sont toujours utilisés.
Manque de compréhension.
Le problème de la fourrure nous amène parfaitement au deuxième grand problème des CCs. Ces dernières années, il a été largement prouvé que la fourrure revient en force en matière de ventes.17  La raison pour cela peut être directement liée à un problème structurel des CCs.
Les CCs sont différentes de l’éducation végane dans le sens où elles veulent faire un procès contre certaines (peut-être plus extrêmes) utilisations d’animaux, comme étape, plutôt que de progressivement éduquer au sujet de l’utilisation des animaux et du véganisme, comme étape. Le réel problème moral contre l’utilisation d’animaux, réside dans l’idée que nous n’avons aucun droit de les utiliser au départ. Tous les êtres sentients méritent le droit de ne pas être traités et exploités comme des choses, et les arguments pour clamer le contraire trouvent leurs racines dans le même préjugé que le racisme et le sexisme – le spécisme.
Evidemment, une CC pourrait en faire un élément principal de la campagne, cependant elle devrait alors renoncer à son statut et ses avantages de CC. Après tout, le but d’une CC est un résultat immédiat, ou rapide dans ce domaine par étape. La façon d’y parvenir, est de ne pas remettre en question toute l’utilisation des animaux, le spécisme, ou l’utilisation plus normale des animaux à laquelle une personne se livre, mais plutôt de s’attaquer à ‘une utilisation à la fois’ – surtout les utilisations plus extrêmes, et les moins soutenues.
Pour cela, une CC doit faire l’implication explicite à son audience que l’utilisation d’animaux au centre de cette campagne est si différente des utilisations normales, que cela doit être abandonné et opposé (vu que l’audience soutient actuellement l’utilisation normale des animaux – faire référence à cela comme étant immoral serait inefficace). Inhérent à cela est la justification de l’utilisation normale des animaux comme moins problématique, et donc il y a une poursuite des normes de la société, qui appuie cela de toute manière.
En différenciant cette utilisation des autres, nous perdons la force de l’argument des droits des animaux au départ – puisque, si l’utilisation normale des animaux est ok, alors il ne peut y avoir de problème moral à ne pas prendre en compte la sentience, à cautionner le spécisme, ou à utiliser d’autres animaux contre leur volonté pour nos plaisirs frivoles. En conséquence, la CC se concentre sur le choc à court terme et l’aversion, plutôt que sur la progression et la compréhension à long terme.
Et à partir de là, il est aisé de voir pourquoi les ventes de fourrure retrouvent une seconde jeunesse. En effet, aussi longtemps que nous mènerons des CCs au lieu d’utiliser ces problèmes comme point d’accroche pour l’éducation végane, il est peu plausible qu’une utilisation soit affectée en quoi que ce soit, excepté un changement cyclique comme celui-ci. Les CCs se concentrent sur les résultats à court-terme – se concentrant sur des idées subjectives comme la ‘cruauté excessive’, et des vidéos horribles et ‘gores’ – et donc on ne devrait pas être surpris qu’après une certaine période le public oublie cela, et retourne à leurs croyances basiques à propos de l’utilisation des animaux, qui n’ont pas changées à un niveau fondamental.
Un autre point à soulever est que bien qu’une CC puisse créer des changements mineurs à court-terme (tous nuisibles de manière générale), la plupart du temps elle est très inefficace pour ce faire. J’ai déjà mentionné pourquoi elle échoue à forger une compréhension de l’immoralité de l’utilisation animale dans l’esprit des gens visualisant la campagne, mais cela limite également son efficacité à court-terme. Alors que les gens s’opposent dans l’ensemble aux élevages à fourrure, très peu sont en réalité motivés pour y faire quoi que ce soit – ils agiront normalement seulement si on leur demande des changements de toute façon insignifiants, voir nuls dans leur vie – vu que la campagne ne forge aucune raison pour laquelle ils devraient avoir une préoccupation rationnelle. Et donc la CC réussit seulement à souligner ce contre quoi les gens sont déjà – n’imprimant ainsi aucun changement, et en opérant simplement un changement d'approvisionnement (comme la délocalisation de l’utilisation animale à l’étranger, ou poussant les gens à acheter des peaux de bovins plutôt que de chiens – ou peut-être en ne les faisant même pas boycotter l’utilisation en question, mais plutôt de les amener à être d’accord avec le boycott dans des situations sociales).
Donc la campagne en elle-même est utilisée pour défendre certaines normes dépeignant l’utilisation ‘extrême’ des animaux comme le problème, la cruauté ‘excessive’ étant le seul problème moral, etc., et qui plus est, elle échoue à motiver l’action en premier lieu. Un autre exemple est la campagne contre l’élevage industriel avec laquelle nous pouvons constater que, bien que celui-ci soit condamné presque unanimement par la société, les ventes de viande, œufs et produits laitiers provenant de ces élevages ne baissent pas fortement. Même lorsque nous pouvons démontrer qu’elles baissent, elles sont remplacées par des produits de ‘bien-être’ dénués de sens 18, vu que cela implique des changements insignifiants que les gens accepteront par rapport à un problème sur lequel ils n’ont pas été amenés à réfléchir de manière rationnelle. Donc bien qu’à court-terme ces campagnes puissent être populaires dans les médias, elles ne font rien en termes de changements pour les animaux en question. Pour cela, il faut que les gens commencent à comprendre la raison pour laquelle l’utilisation des animaux est immorale, ou la manière de réellement aider les autres animaux. Les campagnes ciblées, par leur nature structurelle, ne peuvent même pas commencer à faire cela.
Différencier les utilisations d’animaux
La différenciation entre les utilisations d’animaux pose peut-être le plus grand des problèmes, lorsqu’il s’agit du rôle des CCs dans la fabrication du consentement.
Si nous rassemblons tout ce qui a été mentionné sur les CCs jusqu’à maintenant, il y a un certain nombre de conclusions que nous pouvons tirer. Les médias sont attirés par les CCs pour défendre les normes de la société, ou seulement pour les remettre en question de manière ‘sure’ (un exemple pourrait être la remise en question des fermes industrielles de production d’œufs dans les médias ces derniers temps). L’agenda neo-welfariste des groupes de défense animale s’emboite ici parfaitement avec les médias. Les médias se soumettent fondamentalement aux normes welfaristes de la société, et ils utilisent les groupes neo-welfaristes pour soutenir et s’adapter à celles-ci, de manière à trouver des patrons sincères des intérêts animaux, tout en étant en mesure de maintenir leur soutien aux normes de l’utilisation acceptable des animaux dans la société.
Donc bien que le groupe de défense pense être extrêmement pragmatique en utilisant les médias pour faire avancer son propre agenda, il est plus probable qu’il remplisse le rôle de différencier les utilisations extrêmes d’animaux par rapport aux utilisations normales (sans faire grand tort aux utilisations ‘extrêmes’ de toute manière), et offrant par conséquent l’outil de satisfaction morale facile sans aucune action réelle de la part de l’audience. Le groupe pense que son angle sur les campagnes (qu’ils soient welfaristes ou non) efface d’une certaine manière ce problème. Mais, comme je l’ai montré ici, au mieux l’angle fournit un moyen de faire valoir les dons et le soutien d’un abolitionniste, mais il ne fait rien pour réellement agir en tant qu’angle dans les médias.
Voir au-delà des ‘masques rationnels’
Les groupes neo-welfaristes avancent souvent diverses raisons pour expliquer qu’ils ne font rien de mal, et pourquoi ils doivent continuer sur cette voie. Certaines ont déjà été examinées (par ex, l’utilisation de l’angle, qui selon eux neutraliserait le problème du welfarisme ou des CCs). Cependant, je pense qu’il est possible de montrer que chacune de ces autres raisons ne sont rien d’autre qu’un ‘masque rationnel’ – par lequel je veux dire une moyen de défendre une action avec un discours rationnel, sans en réalité vraiment croire à ce qu’on dit. Il y a, je pense, des raisons rationnelles pour lesquelles les groupes neo-welfaristes continuent dans cette voie du neo-welfarisme, et je discuterai de cela dans la prochaine partie. Mais premièrement, quelles raisons les groupes neo-welfaristes avancent-ils pour défendre leur utilisation continue du welfarisme et des CCs ?
Tout plaidoyer animal aide
D’abord et avant tout, presque toujours, vient la croyance que ‘tout est bon à prendre’. Peut-être défini plus clairement, cela réfère à la croyance que même si une campagne est néfaste ou inefficace, elle met au moins en avant les intérêts des animaux nonhumains et/ou fait connaître leur sort.
Il devrait être plutôt évident que c’est un argument infondé, après avoir lu ce qui, j’espère jusqu’à présent, a été une explication des raisons pour lesquelles le neo-welfarisme aide à jouer un rôle dans la fabrication du consentement d’un public initialement préoccupé par l’exploitation animale. Cependant, nous pouvons nous pencher plus en profondeur sur les raisons d’une telle allégation.
Cela fait avancer l’idée que la prise de conscience en soi est une bonne chose, et que malgré les énormes problèmes du neo-welfarisme, au moins les gens deviennent conscients des abus animaux dans l’industrie. Il est utile d’examiner la manière dont la défense animale fonctionne afin de mettre en avant les vices de ce point. Comme expliqué précédemment, les CCs (welfaristes, ou neo-welfaristes) ne parviennent pas à obtenir un bon niveau de compréhension par rapport au problème moral de l’utilisation des animaux. En conséquence, comme démontré sans aucun doute par la CC la plus longue et perçue comme la plus réussie, celle contre l’industrie de la fourrure, l’incapacité à forger cette compréhension dans le public a eu pour résultat un effet cyclique en terme de succès (ex, une légère baisse des ventes, suivi d’un retour retentissant au premier plan une fois les effets à court-terme de la campagne dissipés).
De manière similaire, si nous mentionnons le fait que la grande majorité du public soit déjà consterné par l’élevage industriel, mais n’y fait pourtant rien, nous pouvons facilement  identifier le problème du discours ‘tous les défenseurs des animaux aident’. La défense des animaux requiert deux facteurs pour réussir – la mise en avant du sort des animaux exploités, et une compréhension de son immoralité.19
Ce que nous pouvons également nettement soutenir, étant donné l’hypothèse des points précédemment mentionnés sur la fourrure et l’élevage industriel, c’est que ce dernier facteur est bien plus important – au moins dans la société dans laquelle nous vivons. Tout le monde, de manière presque unanime, est déjà conscient de l’élevage industriel et de ses horreurs, et dès lors la plupart en sont dégoutés20. Et pourtant, ca ne s’est pas traduit en baisse significative des ventes, sauf où les produits d’élevages humains anthropocentriques ont augmentés (tel que référencé précédemment). Nous sommes au point de saturation par rapport à la connaissance du calvaire des animaux, et pourtant à un niveau presque nul de compréhension dans notre société sur les raisons pour lesquelles c’est immoral. Déclarer que ‘faire connaitre leur sort aide’, une fois que nous savons cela, revient à ignorer la plus basique de nos capacités rationnelles. 
L’idée que toute défense des animaux aide est grandement viciée en référence à la réalité, et ignore l’approche fondamentale à deux facteurs que l’analyse la plus basique du plaidoyer animal exigerait que nous suivions – la sensibilisation couplée à la compréhension.
Mesures progressives
Il a aussi été question de cela tout au long – l’idée que nous devons être neo-welfariste dans notre approche, étant donné que nous devons faire ça par étape : tout le monde ne deviendra pas vegan du jour au lendemain, alors nous devons faire ça par étape pour y arriver.
La preuve contre cela a été soulevée quelques fois dans cet essai. Le neo-welfarisme ne fournit pas de passerelle pour quoi que ce soit ; il aide à maintenir les normes actuellement en place. Il est l’accomplissement d’un rôle sociétal important en fournissant la différenciation autoritaire de l’utilisation normale des animaux par rapport à l’utilisation ‘extrême’ inacceptable. Donc l’idée qu’il fournisse une passerelle est totalement incompréhensible.
Dans une société où les animaux sont vus comme des propriétés, et des choses, le moyen de surmonter cela réside dans la mise en avant de leur sentience, et en fournissant les raisons pour lesquelles la sentience demande un respect moral aussi bien en termes de souffrance que d’intérêt continu à vivre. Tous ce que nous avons pour l’instant dans le neo-welfarisme est la compréhension qu’ils sont ‘mal’ traités, et la solution en découlant est que nous pouvons éviter cela en évitant les mauvaises parties de l’industrie, et en optant pour une utilisation plus ‘normale’ ou ‘humaine’.
La véritable passerelle en soi consiste en un mouvement progressif, à effet boule de neige, pour le véganisme. Cependant, le neo-welfarisme sape énormément le véganisme. Il fournit bien une faible publicité au calvaire des animaux d’exploitation, mais propose pourtant des solutions qui n’impliquent pas le véganisme (que ça soit le boycott d’une industrie comme pour la fourrure, ou le boycott d’une certaine utilisation comme celle des poules en batterie). Donc même s’il sensibilise le public par rapport à leur ‘sort’, il contre rapidement tout effet positif que ça pourrait avoir pour le véganisme en le neutralisant, en faisant passer le véganisme comme une étape ‘extrême’, en promouvant l’étape directe, sensible du boycott de cela.
Si le neo-welfarisme fournit des étapes via sa publicité pour la souffrance animale, il les ignore immédiatement de par sa nature même en fournissant des étapes vers des solutions alternatives, qu’il est bien plus facile d’emprunter pour ceux s’adonnant à l’exploitation animale. Au pire, il nuit de par son rôle dans la fabrication du consentement, au mieux il inverse tout bénéfice qu’il pourrait faire de par son ignorance du véganisme comme seule solution progressive.
Fabriquer la confusion – le véritable agenda

Confusion
Un dernier rôle que joue le neo-welfarisme, est basé autour de ses propres défaillances structurelles dans la création d’une idéologie cohérente. Comme souligné durant l’exploration de l’idée de l’angle, Animal Aid se fera un plaisir de faire des concessions en faisant connaître le ‘végétarisme’, en sachant pourtant que le végétarisme reste immoral. De même, ils ont demandé aux gens de plutôt acheter de la viande provenant d’animaux abattus dans des abattoirs équipés de caméras de vidéosurveillance, et malgré tout insistent également sur le fait que l’abattage soit immoral.21
Ils ne sont pas les seuls. VIVA ! soutient le véganisme comme la solution22, et pourtant confondent également ce message en utilisant le terme ‘végétarien/vegan’, et utilisant les deux de manière presque interchangeable23. Eux aussi affirment leurs idéaux basés sur ces concepts (ce qui en soi est confus, vu que le végétarisme pourrait inclure plus de souffrance que le mode de vie omnivore ‘normal’, vu sa dépendance aux produits laitiers et aux œufs), et pourtant font campagne pour que les gens agissent moralement en faisant beaucoup moins (comme simplement boycotter l’élevage industriel24).
Tandis que, à un niveau fondamental, ces groupes peuvent défendre ces croyances en pointant leur volonté d'atteindre le véganisme, mais également en ‘prenant des mesures’ et en ‘aidant les animaux maintenant’ (aussi viciées que soient ces idées par rapport au monde réel), cela crée malgré tout une énorme quantité de confusion.
Il y a une attitude négative envers ces groupes émanant de certains milieux de la société, où les gens voient cela comme un espèce d' ‘agenda caché’ par lequel « bien sûr, les groupes nous demandent de faire cela maintenant, mais la semaine prochaine ils nous demanderont autre chose, et ils ne s’arrêteront pas jusqu’à ce qu’on soit tous vegan ».25 C’est un problème bien réel pour les groupes (car cela menace leur popularité), et en conséquence, on peut supposer, ces groupes brouillent bel et bien les frontières, et cachent souvent ce qu’ils croient en réalité. Cela nous enfonce plus que jamais, car nous voyons des groupes allant si loin qu’ils enlèvent carrément les angles de leur documentation dans certains cas, ou même mentant en utilisant le terme ‘végétarien’ plutôt que ‘vegan’ comme idéal.
Ces groupes arrivent à un stade où ils doivent délibérément cacher leurs croyances, et ignorent ainsi explicitement leur propre but qu’est l’abolition/le véganisme. La position neo welfariste est suffisamment nuisible, et ces groupes peuvent aller jusqu’à cacher même cela afin de pouvoir paraitre plus ‘normaux’, moins ‘vegan’ et donc plus populaires (d’où l’utilisation du terme ‘veg’). Cela se fait de manière pragmatique, mais cela implique une plus grande dévalorisation du véganisme et son rejet en tant que base morale. Ils sont en faveur d’un pragmatisme superficiel, où les résultats immédiats pour leurs campagnes de bien-être et campagnes ciblées sont le but, au détriment de l’énorme nuisance pour le véganisme à long terme (même si c’est leur propre but – de la même manière dont les banques ont mis en péril leurs propres objectifs à long terme de rester en affaire en faveur de la cupidité à court terme). Ainsi, ils utilisent leur propre approche ‘tremplin’ pour s’en prendre au but vers lequel ils sont censés se diriger. La confusion, il semblerait, ne fait pas seulement partie du public, elle semble contrôler les actions mêmes de ces groupes.
Qu’est-ce qu’il se passe réellement ?
Ce qui nous amène à quelque chose qui a été abordé tout au long – l’aspect commercial des organisations neo-welfaristes.
Nous voyons le masque rationnel comme explication aux raisons pour lesquelles le neo-welfarisme continue à être la tactique de choix, malgré les raisons démontrant que ces excuses créent une pléthore de paradoxes et de preuves indiquant le contraire. Pourtant, honnêtement, il y a une explication très simple aux raisons pour lesquelles ils continuent à choisir le neo-welfarisme, et nous pouvons remonter cela à la structure des organisations, et du mouvement.
Les organisations
Les organisations de défense des animaux ne sont généralement rien d’autre que des entreprises – on le voit peut-être mieux lorsqu’il s’agit de grandes organisations internationales, comme PETA. Bien que toujours officiellement dirigées par des règles de défense animale, et d’un statut de bienfaisance, les gestionnaires qu’ils emploient doivent atteindre certains objectifs. Premièrement, cet objectif est de rester en affaires. Elles pensent faire le bien, et ont donc une obligation de rester financièrement à flot (ce qui n’est pas un hasard, protège également l’emploi de tout le monde). La meilleure manière de faire cela est en réalité d’utiliser le genre de CCs et de tactiques welfaristes, qui concernent le plus grand nombre de personnes. Bien que ces campagnes soient rationnellement viciées, et peinent à créer un changement progressif ou même des actes à court terme, et même pointées pour les dégâts qu’elles font aux intérêts des non-humains, elles excellent pour deux choses connexes – engranger des dons, et attirer les médias.
Le premier est avantageux pour des raisons évidentes – les objectifs financiers, et effectivement les objectifs de toute personne impliquée, est de rester à flot, et par conséquent d’engranger des dons. Le dernier est avantageux principalement en relation au premier (une plus grande couverture médiatique fournit plus de revenus financiers) mais il est également important pour comprendre l’une des grandes faiblesses structurelles que l’aspect financier fait peser sur le neo-welfarisme.
Ces groupes (presque sans exception) ont intelligemment nommé des experts en marketing, parfois avec des salaires à six chiffres. Ces gens sont pour la plupart très doués dans leur domaine, bien qu’ils ne soient pas systématiquement référencés par rapport au ‘marketing’ ; leur titre est plus souvent lié à ‘campagne’ comme par exemple ‘coordinateur de campagnes’. Le travail d’un commercial est d’aider une entreprise à réussir – d’aider à attirer l’attention, et donc l’argent. Les gens à ces postes sont souvent ceux bien formés au milieu financier. Ils peuvent vraiment être des professionnels au top, surtout ceux au salaire à six chiffres, et en conséquence les groupes attendent des résultats. Cependant, ‘nous avons éduqué beaucoup de gens par rapport au véganisme ce moins-ci’ ou ‘nous avons mis en place des fondations pour comprendre pourquoi l’utilisation d’animaux est immorale à long terme’ ne va nullement attirer l’argent, ni entrer dans le cadre d’expertise de ces personnes orientées ‘marketing’, ni, par la suite, s’acquitter de la tâche pour laquelle ces personnes ont été engagées.
En conséquence, nous constatons que les campagnes de ces groupes sont élaborées et choisies par des professionnels dont le travail et l’expertise entière est de rendre l''organisation plus attirante, et de rendre la campagne plus populaire, et à la base de rendre l’entreprise plus rentable. Le problème est que dans certains cas ils n’ont aucune connaissance de ce que cela implique moralement parlant (et dans tous les cas, ce n’est pas leur domaine principal d’expertise), et qui plus est, vu que ce sont des objectifs commerciaux qu’ils doivent atteindre, nous voyons des campagnes qui créeraient un changement durable soit ignorées soit réduites au niveau des ‘vœux pieux’ simplement pour apaiser les partisans plus abolitionnistes ou vegan.
Pour l’essentiel, nous constatons les mêmes problèmes au niveau de l’ossature morale des entreprises neo-welfaristes qu’ont les entreprises et les sociétés de manière générale. Les gens impliqués peuvent être bien intentionnés, et les fondations de ces entreprises peuvent avoir été sincères, cependant la structure du modèle économique signifie que les priorités sont mises sur le côté, et que l’idéologie économique soutenue prend le relais. Ce n’est pas rare dans les affaires, lorsque nous voyons des gens de bonne volonté devant se soumettre à une vie entière de consentement par rapport à de mauvaises décisions morales afin d’apaiser les objectifs structurels qui sont nécessaires pour les affaires. Donc nous ne devrions pas être surpris que cela arrive à des organisations de charité, même si l’objectif financier principal est de rester en affaires aussi longtemps que possible, plutôt que de réaliser autant de bénéfices qu’il soit humainement possible. Bien que, malheureusement, les deux sont intimement liés, et partagent beaucoup des mêmes objectifs.
Les défenseurs doivent non seulement prendre garde à l’avertissement que le neo-welfarisme est nécessairement et rationnellement vicié afin de se maintenir, mais ils doivent également prendre conscience que la solution de l’abolitionnisme doit être fondée dans le plaidoyer local autant que possible.
Le 'mouvement'
Bien que nous pouvons identifier la cause des problèmes, ou l’absence de capacité à les changer au niveau des grandes organisations de défense des animaux, cela n’explique pas pourquoi beaucoup de défenseurs individuels dans le ‘mouvement’ s’opposent à l’idée de s’éloigner du neo-welfarisme. Nous pouvons expliquer cela en termes très simples et très rationnels cependant.
L’institution dominante
La perspective dominante dans la défense des animaux a été le welfarisme depuis de nombreuses années, et maintenant le neo-welfarisme est l’institution montante vu que le welfarisme implique des problèmes théoriques évidents et clairs. La raison à cela est que c’est la manière dont le ‘mouvement’ a démarré, c’est ce qui maintient les grands groupes à flot, et c’est ce qui colle le mieux à ce qu’on nous apprend dans les médias.
Et avant tout, c’est ce qui fait que beaucoup soutiennent cela. L’institution dominante est ce dont les gens entendent parler, et beaucoup ne sont pas encore conscients qu’il puisse y avoir des problèmes avec cela, ou ce que pourraient être ces problèmes (comme l’explique Chomsky par rapport aux médias chez les humains – si les gens étaient conscients des problèmes, ils feraient quelque chose). Surtout parmi les défenseurs actifs, les grands groupes détiennent le pouvoir de ce qu’on entend, et de ce qui peut être publié – jouant le rôle du ‘média de la défense animale’ de la manière dont le font les médias dominants lorsqu’il s’agit de la couverture des nouvelles. Il est dans l’intérêt des ‘médias de défense animale’ que les gens ne commencent pas à entendre parler de l’abolitionnisme et s’y dirigent, et donc ils n’en font pas la promotion.
Les preuves sont là pour appuyer cela. Le genre d’approche abolitionniste des droits des animaux de Francione fut largement ignorée avant l’essor d’internet, où les gens pouvaient tomber dessus et en parler, et malgré le fait qu’elle soit un compte rendu des droits des animaux populaire, sensible, basé sur la sentience, elle fut, et est toujours ignorée par toutes les grandes organisations de défense des animaux.26  Dans le cas de PETA, ils ignorent l’abolitionnisme d’une telle manière qu’ils s’efforcent d’utiliser la théorie de Peter Singer (un philosophe qui ne croit pas aux droits des animaux) comme leur explication de ce que sont les droits des animaux, simplement comme Singer met l’accent sur la sentience. L’idéologie dominante est confuse, mais est puissante en termes de ses effets par rapport à ce que nous entendons. Ce dont nous pouvons être sûrs, cependant, est que l’abolitionnisme gagne en popularité, et que l’idéologie dominante d’aujourd’hui ne sera pas imposée pour toujours – en effet il suffit d’une poignée de solides partisans pour commencer à donner une grande attention à ce message. Le seul obstacle est le manque de sources d’information indépendantes, fiables sur le plaidoyer des non-humains.
Plus de 'masques rationnels' ?
L’autre chose qui empêche les partisans de rejoindre l’abolitionnisme sont les genres de ‘masques rationnels’, comme mentionné précédemment par rapport aux organisations de défense des animaux.
Beaucoup de militants sont actifs depuis de nombreuses années, et sont presque attachés passionnément à certains groupes et organismes, et vont jusqu’à penser que la théorie de l’abolitionnisme critique le travail de leur vie. Naturellement alors, ils se rattachent à quelque chose qui semble rationnel pour se défendre sur une base sociale.
Un aspect de cela dont je ne parlerai pas en détail est si oui ou non ces activistes ont des intentions au départ, ou s’ils sont eux-mêmes convaincus de la valeur de vérité des énoncés du ‘masque rationnel’ qui semblent si viciée par rapport à l’analyse rationnelle. Nous devons nous rappeler que de nombreux défenseurs le sont devenus avant que la science sociale ne soit considérée comme un sujet grand public, et à un moment où les non-vegans avaient des croyances bien différentes par rapport à aujourd’hui. Ce n’est pas nécessairement un manque d’intention ciblée sur les non-humains, mais peut-être des croyances d’un autre âge, quand l’abolitionnisme aurait pu ne pas être le concept idéal – ce n’est pas quelque chose que je peux analyser avec précision, et je me concentrerai sur le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui.
Fabriquer le consentement pour l’exploitation humaine
Peut-être pas l’objectif principal de cet essai ou une partie nécessaire du neo-welfarisme, il est intéressant de souligner que le modèle économique du neo-welfarisme dévalorise également souvent la morale basée sur l’humain.
Ceux comme PETA sont connus pour leur position ‘tout pour attirer l’attention’, et comme expliqué plus haut, c’est probablement du au modèle économique auquel ils doivent adhérer. Mais ça ne s’arrête pas à leur rôle dans la fabrication du consentement pour l’exploitation des non-humains. PETA en particulier est célèbre pour leur utilisation de célébrités, souvent partiellement vêtues, surtout quand il s’agit de femmes. PETA, et en fait pas mal d’organisation neo-welfaristes, adhèrent fortement à l’idée que ‘le sexe fait vendre’.27
Bien que je ne vais pas trop m’étendre sur le problème du féminisme dans cet essai, il est assez simple de faire le lien entre l’objectification des femmes, et l’abus et le statut inférieur des femmes aux yeux d’une société patriarcale. Aussi fort que l’on souscrive à cette affirmation, ce que je souhaite montrer est qu’une fois que des groupes de défense concernant n’importe quelle question morale commencent à fonctionner comme une société, ils risquent non seulement de nuire à leurs propres intentions (et sans aucun doute les groupes neo-welfaristes sont-ils tombés dans ce piège), mais ils commencent également à ignorer la question morale dans son ensemble. La nécessité de prioriser le profit est fondamentalement nuisible au plaidoyer relatif à des questions morales d’un nombre de manières qui ne devraient pas être sous-estimées. Aussi longtemps que le neo-welfarisme sera contrôlé et maintenu comme une valeur par un petit nombre de groupes puissants, cherchant le profit, et la solution réside dans le plaidoyer abolitionniste local, ce point restera très pertinent.

Un modèle de propagande – Ou en sommes-nous ?
Une partie intéressante de la théorie chomskyienne peut nous aider à bien résumer où en est la défense des animaux. Chomsky note que les médias jouent le rôle de la fabrication du consentement pour les institutions dominantes et le processus décisionnel dans la société, cependant ce sont les choses comme le sport (et autres divertissements frivoles, générateurs d’attention comme la télé réalité) qui jouent le rôle de neutraliser toute possibilité de révolte, ou de changement progressif, en fournissant un débouché pour la créativité et l’intelligence des gens. Par exemple, les sports traditionnels peuvent comprendre les plus grands cerveaux tactiques de notre génération, mais les maintiennent à pied d’œuvre dans un environnement frivole, et à l’écart de la recherche de la vérité ou de la morale. De même pour l’audience – en les aidant à investir leur temps et leur passion dans autre chose que des processus de prise de décision ou de changement social, afin de les neutraliser.28
Je pense que j’ai démontré que nous pouvons pointer le neo-welfarisme pour son rôle vital dans la fabrication du consentement pour l’utilisation normale, continue des animaux. Il fait cela en aidant à neutraliser les véritables préoccupations pour les animaux, avec une attention pour les campagnes à court terme et inefficaces, mais rentables, tout en fournissant une autorité pour soutenir les normes qui maintiennent l’utilisation normale des animaux comme ne posant pas de problème moralement.
L’analyse de Chomsky démontre, essentiellement, la manière dont les médias et autres divertissements jouent des rôles vitaux dans la fabrication du consentement. Si nous jetons un regard aux intérêts des animaux non-humains, il semblerait que nous pouvons placer le welfarisme directement dans le rôle des médias, et le neo-welfarisme directement dans le rôle du sport et autres divertissements.

Le welfarisme fait très peu de significatif, et la plupart du temps ne fait rien du tout pour les intérêts des non-humains, et malgré tout fabrique le consentement pour leur exploitation et utilisation grâce à un mélange de marketing, de voix autoritaires des grands groupes, et de tromperie connexe explicite. Le neo-welfarisme joue le rôle de neutraliser toute véritable tentative de changement pour les non-humains en fournissant une autre autorité montrant que l’utilisation normale des animaux n’est pas une préoccupation sincère, et en plaçant des ‘étapes’ distrayantes pour la créativité et l’intelligence qui pourraient à la place être utilisées pour créer un véritable mouvement progressif, à effet boule de neige, pour le véganisme.
Aussi accablant que cela puisse être, comme dernière remarque, je souligne quasi la même chose par rapport à la théorie gauchiste de la fabrication du consentement. C'est-à-dire que les problèmes du welfarisme et du neo-welfarisme sont fortement structurels – et que les gens conduisant ces campagnes ne sont pas plus des mauvaises personnes que le sont ceux qui écrivent courageusement contre eux du côté de l’abolitionnisme. Cependant ce manque de mauvaises intentions n’est pas pertinent si nous nous concentrons sur la cible appropriée de notre attention – qui devrait être les animaux non-humains. Bien qu’il soit difficile de dépeindre un individu ayant un point de vue welfariste ou neo-welfariste comme mauvais, il n’est certainement pas infondé de s’opposer à eux, et de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour faire passer le message abolitionniste plutôt que le message du welfarisme ou des campagnes ciblées – en effet c’est pécher par excès de spécisme de dire que les choix de plaidoyer de ces gens méritent plus de respect que les animaux qui souffriront par leur faute. C’est vers cette opposition des normes, et en outre vers plus d’éducation végane créative, non-violente, intelligente que nos attentions devraient être tournées – et il n’y a pas de meilleur moment que maintenant.
References

1 Edward S. Herman and Noam Chomsky, Manufacturing Consent. The Political Economy of the Mass Media (New York: Pantheon Books 1988)
4 “Si un seul animal qui se trouve dans une cage à ponte pouvait avoir plus de place pour étendre ses ailes aujourd’hui grâce à quelque chose que vous auriez fait, je pense qu’elle choisirait que cela se passe.” http://www.salon.com/people/conv/2001/04/30/newkirk accédé le 31 juillet 2011. Newkirk ne mentionne pas que les poulets ne peuvent pas faire ce genre de choix, et ne pourraient comprendre le concept – tout ce que les poulets peuvent comprendre est qu’ils souffrent de façon extrême et pas que ça pourrait être mieux ou pire. La souffrance qu’ils ressentent est 100% réelle pour eux à ce moment, et c’est le seul facteur pertinent pour les non-humains
5 http://www.independent.co.uk/life-style/food-and-drink/news/shoppers-opt-for-freedom-food-chickens-1944742.html accédé le 31 juillet 2011.L’article montre que les poulets ‘heureux’ atteignent de meilleures ventes, surpassant les pertes des poulets normaux.
6 Op. cit., Herman and Chomsky, p. 1.
7 Gary L. Francione, Rain Without Thunder: The Ideology of the Animal Rights Movement, (Philadelphia: Temple University, 1996)
8 Il est difficile d’identifier exactement la position de VIVA ! – si ils sont welfaristes ou neo-welfaristes, car ils ne semblent pas rendre cela explicitement clair – peut-être dans le but de brouiller les lignes entre les deux, pour des raisons que j’examinerai plus tard. Pour les besoins de cet essai, j’ai proposé qu’ils soient neo-welfaristes, du à leur promotion occasionnelle du véganisme. Cela ne garantit nullement que ca soit un groupe neo-welfariste, mais pour les arguments que je ferai ici, ce n’est pas important de savoir à quel groupe ils appartiennent – vu que chacun d’eux est vicié pour quasi les mêmes raisons.
9 Gary L. Francione, Introduction to Animal Rights: Your Child or Your Dog (Philadelphia: Temple University, 1999)
10 http://www.animalaid.org.uk/h/n/NEWS/news_slaughter//2498// accédé le 31 juillet 2011. Montre un exemple classique de l’angle à la fin d’une partie d’une campagne ciblée « Bien évidemment, les animaux de ferme souffriront toujours, and Animal Aid continuera à promouvoir un régime alimentaire vegan, sans cruauté, comme seule façon d’arrêter complètement cela. »
12 Je reviendrai sur cela plus tard, mais cet ‘angle’ devrait, selon la théorie que le neo-welfariste fait passer à ce propos, exiger un ‘angle’ pour lui seul, car cela aussi est une déclaration problématique de campagne ciblée qui mentionne seulement le végétarisme et non l’idéal du véganisme. Donc ce paradoxe vicie l’argument neo-welfariste avant même de commencer, dans ce cas.
13 Ces derniers temps, cette campagne a été popularisée grâce à l’appel des célébrités ‘Je préfère être nue que de porter de la fourrure’, utilisé par PETA – exemples trouvables ici : http://www.peta.org/mediacenter/ads/Print-Ads-Skins.aspx accédé le 31 juillet 2011
15 Ibid.
16 http://www.guardian.co.uk/lifeandstyle/2009/nov/22/fur-rather-go-naked accédé le 31 juillet 2011. “En 2007, les ventes mondiales de fourrure ont totalisé £10bn, une augmentation de 11% par rapport à l’année précédente, dont neuf années de croissance continue. L’année derrière, le marché de la fourrure a contribué à £13bn de l’économie globale, et bien que l’élevage à fourrure fut banni en Grande-Bretagne en 2003, le chiffre d’affaire du marché anglais de la fourrure est d’environ £400-500m par an.”
17 http://fashion.telegraph.co.uk/columns/justine-picardie/TMG7005774/Why-fur-is-fashionable-again.html accédé le 31 juillet 2011. « selon l’association britannique du commerce de fourrure, ‘il y a eu une augmentation significative de ventes de fourrure’ au Royaume-Uni, qui fait partie d’une augmentation globale (les ventes mondiales ont totalisé $13 milliards en 2008, une augmentation de presque 60 pourcents comparé à la fin des années 90).”
22 http://www.viva.org.uk/aboutus/index.html accédé le 31 juillet 2011
24 http://www.factoryfarming.org.uk/ accédé le 31 juillet 2011
25 Un exemple informel de cela peut être trouvé ici : http://www.angelfire.com/oh/turkishangora/animalrights/agenda.html accédé le 31 juillet 2011
26 http://www.believermag.com/issues/201102/?read=interview_francione accédé le 31 juillet 2011. “Différents « dirigeants » du mouvement m’ont fait savoir que mon point de vue serait activement supprimé par le « mouvement » et que je ne serai plus invité à parler aux conférences pour les droits des animaux. Les grands groupes arrêtèrent de promouvoir mon travail, et je suis devenu un néant en ce qui concerne le « mouvement ». J’ai continué à donner des conférences dans des universités et évènements communautaires, mais j’ai vraiment perdu tout contact avec le « mouvement » »
27 Op. cit., http://www.peta.org/mediacenter/ads/Print-Ads-Skins.aspx accédé le 31 juillet 2011.
28 Expliqué dans le discours de Chomsky extrait du documentaire 'Manufacturing Consent: Noam Chomsky and the Media' trouvé sur http://www.youtube.com/watch?v=Vz1nIHv6P6Q&feature=related le 31 juillet 2011.