(Traduction de l'article de Dan Cudahy et d'Angel Flinn, "Opposition confirms my purpose")
J’ai écrit cet article avec Angel Flinn, qui est directrice d'éducation pour Gentle World —une communauté d’intention végane
et organisation à but non lucratif dont l’objectif est d’aider à
construire une société plus paisible, en éduquant le public par
rapport aux raisons de devenir vegan, les bénéfices du véganisme, et comment faire la transition..
Cet article fut publié initialement le 29 février 2012 sur Care2.
-Dan Cudahy, auteur de Unpopular Vegan Essays
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“Je
trouvais les esprits des gens étrangement indifférents au sujet de l’esclavagisme.
Leurs préjugés étaient invincibles—plus forts, si possible, que ceux des
esclavagistes. Les objections fusaient de toutes parts ; les excuses pour
le système abominable saluaient constamment mes oreilles ; des obstacles
étaient industriellement placés sur mon chemin… Ce qui était encore plus
décourageant, mes meilleurs amis – sans exception -- me suppliaient d’abandonner mon combat !
Ce n’était pas à moi (soutenaient-ils) à utiliser mon temps, et talents, et
services, là où la persécution, le reproche et la pauvreté étaient la seule
récompense certaine. Mon projet était visionnaire—fanatique—inatteignable… Mais
l’opposition ne servait seulement qu’à augmenter mon ardeur, et confirmer mon
objectif. »
~
William Lloyd Garrison (Juillet 14, 1830)
Nous
vivons dans un monde où la grande majorité des gens considèrent comme
parfaitement acceptable d’oppresser et exploiter d’autres animaux, malgré le
fait que nous n’avons aucune justification morale pour ça. Chaque année
aux Etats-Unis, approximativement dix milliards d’animaux terrestres sont tués,
après avoir été intentionnellement mis au monde et asservis, tout ça pour le
profit humain. Dans le monde, le nombre atteint approximativement 56 milliards
annuellement. Lorsque nous comptons les animaux vivant dans l’eau, on ajoute
des dizaines ou centaines de milliards chaque année.
Tous
ces animaux sont aussi innocents que des enfants, mais nous les traitons comme
si le fait d’être né en tant que membre d’une espèce différente est un crime
passible de prison à perpétuité, souvent accompagné de torture, et s’achevant
par la peine de mort. En réalité, pour la grande majorité d’entre eux, les vies
qu’ils sont forcés de vivre sont tellement insupportables qu’une mort
prématurée – elle-même n’étant que souffrance – pourrait en théorie
servir d’espèce de délivrance miséricordieuse d’une vie de souffrance physique,
psychologique et émotionnelle.
Le
véganisme généralisé est le seul espoir qu’ont ces êtres non-humains
d’atteindre l’émancipation de leur existence brève et brutale. Un tel
changement fondamental dans notre société ne sera provoqué que par un
changement radical de paradigme moral semblable à ceux qui ont résulté en
abolition de l’esclavagisme humain et au droit de vote pour les femmes.
Les
changements de paradigme, cependant, ne se produisent pas d’eux-mêmes. Ils sont
causés par de petits groupes de gens dans la société – toujours considérés
comme « radicaux » à leur époque – qui éduquent de manière
persistante les autres sur des dizaines années par rapport à la nécessité de
changement. En effet, William Lloyd Garrison fonda The Liberator, un journal
hebdomadaire anti-esclavagisme, en 1831, et ce ne fut qu’après 34 ans et une
des guerres les plus sanglantes sur le sol des Etats-Unis* que l’esclavagisme
fut finalement aboli en 1865. De manière similaire, le porte-parole du
mouvement pour le droit de vote des femmes fut John Stuart Mill en 1865, mais
les femmes n’obtinrent le droit de vote qu’en 1918 au Royaume-Uni et en 1920
aux Etats-Unis.
*
Notons que William Lloyd Garrison, les auteurs de cet article, et l’approche
abolitionniste des droits des animaux rejettent la violence et ne supportent
seulement que l’éducation non-violente et le dialogue raisonnable comme moyens
pour une justice sociale, peu importe la cause.
Dans
leurs efforts pour éduquer et s’engager dans la désobéissance civile au nom de
nobles causes, les abolitionnistes et suffragistes ont enduré le ridicule, la
colère, l’emprisonnement, et des menaces de mort, autant du régime lui-même que
des contre-mouvements formés par des citoyens ayant un intérêt à ce que la
situation actuelle soit maintenue.
Un
abolitionniste ou suffragiste calme n’embêtait personne. Respecter « le choix
personnel de chacun » via un silence déférent était considéré
comme « modéré et respectable » par ceux dévoués au statu quo.
Remettre en cause l’injustice via l’éducation morale était considéré comme
« imbu », « offensant », « extrémiste » et
« rebutant ».
Prenez,
par exemple, la citation suivante de 1847, dans laquelle le partisan de
l’esclavagisme humain, Joseph W. Lesesne, critique les militants
anti-esclavagisme et le mouvement abolitionniste :
“La
conduite des abolitionnistes a été des plus atroces. Aucun mot n’est assez fort
pour la dénoncer. L’impudence éhontée avec laquelle ils ont piétiné la
constitution, et leurs artifices mesquins et misérables pour nous priver de
notre propriété d’esclaves devraient faire l’objet du mépris de toute l’Union.”
Au
plus la position d’un militant est directe et sans équivoque, au plus de
résistance il ou elle rencontre.
Et
il en est ainsi aujourd’hui avec les vegans. Malgré le fait que nous soyons si
clairement du côté de la justice pour tous les êtres sentients, nous devons
nous attendre à rencontrer de la résistance la plupart du temps. En tant que
solides éducateurs et militants vegans, nous devons nous attendre à être
rejetés, dénaturés, et à être soumis à toute forme de traitement estimées comme
les plus efficaces par ceux qui s’opposent à nous pour décourager nos efforts.
Reconnaître et accepter la situation pour ce qu’elle est, et réaliser que
d’autres mouvements de justice sociale ont fait face à une résistance et une
critique similaire pendant de nombreuses dizaines d’années, peut également nous
aider à persister dans nos efforts pendant de nombreuses dizaines d’années.
En
dehors du fait d’être simplement du côté justifié d’une cause, une raison
majeure pour laquelle les mouvements de justice sociale du passé ont réussi
était la persistance. Réaliser que même le militantisme le plus efficace
prendra des dizaines d’années, plutôt que des mois ou années, pour voir ses
objectifs atteints peut nous donner la perspective dont nous avons besoin pour
prévaloir au final en évitant le burnout inhérent à l’activité obsessionnelle,
les attentes irréalistes, et l’accent sur le court-terme pour des résultats à
court-terme. Nous devrions reconnaître qu’il peut être parfois bénéfique de
faire une pause et recharger nos batteries, et que, à côté de notre plaidoyer
personnel, il est important que nous nous efforçons de maintenir une bonne
santé physique, mentale et émotionnelle, afin d’être aussi efficace que
possible dans nos efforts pour éduquer et inspirer les autres.
Alors
persistons sans relâche dans la lutte pour la justice à un rythme que nous
pouvons maintenir aussi longtemps que nécessaire. Ne mesurons pas nos progrès
en « victoires » insignifiante de bien-être, qui, pendant le peu de
temps qu’elles durent, ne servent seulement qu’à perpétuer le paradigme de
l’exploitation et à rendre plus à l’aise le consommateur par rapport à leurs
achats de produits animaux. Mesurons à la place le progrès en terme
d’augmentation de vegans éthiques, de diminution de consommation de produits
animaux, l’augmentation d’alternatives véganes, et la transformation graduelle
de la conscience collective, qui, il y a encore 65 ans , n’avait même pas de
mot pour décrire quelqu’un comme étant ‘vegan’.
Avec
le temps, la puissance irrépressible de la justice triomphera, lorsque nous
surmonterons le préjudice honteux et la discrimination abjecte qui tente de
justifier et maintenir le statut moral des animaux comme étant des propriétés
économiques et des marchandises échangeables. Avant que ce jour n’arrive,
utilisons toute opposition venant à notre rencontre pour renforcer notre
ardeur, et confirmer notre objectif.
S’appuyant
sur la sagesse d’une des autres grandes voix du mouvement anti-esclavagisme du
19e, Frederick Douglass,
“Ceux qui professent vouloir la liberté, mais
refusent l’activisme sont des gens qui veulent la récolte sans le labour de la
terre, la pluie sans le tonnerre et les éclairs : ils voudraient l’océan, mais
sans le terrible grondement de toutes ses eaux. Le pouvoir ne cède rien qu'on
ne lui ait arraché. Il ne l'a jamais fait et ne le fera jamais. »
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