(Traduction de l'article "Backyard chickens: expanding our understanding of 'harm'".
Cet article contient quelques approximations, notamment sur le sujet du rythme de ponte effréné des poules qui serait, selon l'auteure, dû uniquement aux croisements et manipulations génétiques par l'homme. Ce rythme de ponte serait en réalité dû également au fait qu'on leur retire leurs œufs en permanence, ce qui les amèneraient à pondre encore et encore jusqu'à épuisement. Le message final reste malgré tout le même : arrêtons de voir des êtres sentients comme des distributeurs d’œufs.)
Notre préjudice non-examiné envers les poules de jardin
Notre préjudice non-examiné envers les poules de jardin
La première question que les gens qui rencontrent nos poules sauvées nous
posent est “est-ce qu’elles pondent des oeufs ?” Pondre des œufs est clairement ce qui définit
une poule pour la plupart des gens. Même les personnes pourtant mieux informées
sont sous le charme des artifices de l’« industrie des œufs ».
On nous demande souvent, « où est le mal à manger les œufs de poules de
jardin qui vont de toute façon les laisser là ? ». En réalité,
beaucoup de personnes possédant des poules déclarent qu’elles ont une relation
« symbiotique » avec elles. En échange d’un bon traitement, elles
perçoivent leur « récompense » sous forme d’œufs que pondent leurs
poules. Ça semble être une situation « gagnant-gagnant », mais nous
verrons plus tard en détail en quoi cette logique ne tient pas la route. Afin
de pleinement comprendre notre impact sur ces oiseaux, nous devons regarder
bien au-delà du traitement.
Les couvoirs
Les couvoirs
Commençons là où presque tous les poussins naissent : dans les couvoirs.
Lorsque nous achetons des poussins, nous soutenons directement et
financièrement des couvoirs qui sont responsables de toute une série de
pratiques incroyablement cruelles. Leur pratique la plus horrible est la
macération (broyage à vif) et la suffocation de milliards de poussins mâles – 6 milliards à l’échelle mondiale chaque
année. Ceux qui adoptent ou sauvent des poules de jardin, au lieu d’en
acheter dans les couveuses, leur retirent leur soutien mais font malgré tout
face à d’importantes considérations éthiques quand se pose la question,
« quel est le mal à ramasser et manger les œufs que notre poule adoptée
pond ? »
Les dégâts de l’élevage
Les dégâts de l’élevage
Les poules élevées pour la ponte sont irréparablement touchées par les
méthodes de sélection qui les ont amenées à pondre un nombre anormal et malsain
d’œufs, entre 250 à 300 chaque année, ce qui se traduit par une variété de
maladies douloureuses et potentiellement mortelles liées à leur système de
reproduction ainsi que par une mort prématurée. Considérez le fait que la
plupart des poules pondeuses, même les soi-disant races
« patrimoniales », vivront seulement en moyenne jusqu’à l’âge de 4 à
6 ans (en assumant qu’on leur permette de vivre au-delà d’un ou deux ans, fleur
de l’âge pour la ponte) et mourront probablement de complications liées à la
ponte. Par contraste, les poules non-domestiquées vivant dans leur habitat
naturel peuvent vivre jusqu’à 30 ans ou plus. Elles pondent des œufs comme les
autres oiseaux sauvages, pour se reproduire, et seulement quelques couvées par
an ; environ 10 à 15 œufs en moyenne.
Profiter du mal
Profiter du mal
Il existe un concept juridique bien connu appelé « le Fruit de l’Arbre
Empoisonné » qui s’applique à la consommation des œufs de poule ainsi que
de secrétions et de la chair d’autres animaux. Comme l’explique le professeur
de droit Sherry Colb, « Si quelqu’un a commis un délit en acquérant un
certain produit, …. il est injustifié d’utiliser et de profiter des
« bénéfices » de ce produit tout comme il était injustifié de
commettre le préjudice qui a permis l’acquisition du produit en premier lieu.
En d’autres mots, on devient complice du méfait initial en profitant de ses
fruits et en les utilisant comme source de plaisir, d’information, etc.. »
En réalité, notre système judiciaire reconnaît qu’il est immoral de retirer
du plaisir ou du bénéfice au dépend de la souffrance de quelqu’un autre. Nous
considérerions comme répréhensible, par exemple, de secourir un chien utilisé
dans les combats de chiens et de faire valoir que, puisqu’il est déjà entrainé
au combat, et en échange de l’avoir adopté et de lui procurer un toit, il est
justifié de le faire se battre contre d’autres chiens et de faire des paris sur
lui. Ou alors de le laisser être un chien de garde dans un endroit où il
pourrait éventuellement être attaqué. Il pourrait après tout « faire sa
part » puisqu’il est de toute façon un combattant. Mais il est évident que
nous n’utiliserions jamais cette logique avec un chien secouru. Même si nous ne
sommes pas directement responsables de la souffrance des poules, en mangeant
leurs œufs nous bénéficions du mal qui leur a été fait, nous profitons de leur
système de reproduction « endommagé », qui ne devrait même pas
exister sans le fait des manipulations génétiques industrielles et des
pratiques d’élevage contre lesquelles nous prétendons déjà nous opposer,
puisqu’elles sont horriblement cruelles.
Logique de “Plantation” appliquée aux poules de jardin
Logique de “Plantation” appliquée aux poules de jardin
Comme mentionné ci-dessus, les détenteurs de poules de jardin dépeignent
souvent leur relation avec leurs poules comme étant une relation
“gagnant-gagnant”. Elles procurent une vie
magnifique à leurs poules et, en échange, leurs poules leur fournissent des
œufs. Il y a au moins deux problèmes avec ce point de vue. Premièrement, il
ignore le fait que ces œufs [ndt : tout du moins le rythme de ponte]
existent seulement à cause des manipulations systématiques des systèmes de
reproduction des poules qui les forcent à produire une quantité anormale et
malsaine d’œufs. Deuxièmement, il est impossible pour les poules de donner leur
accord dans ce genre d’arrangement. On assume qu’elles désirent faire ce
sacrifice pour nous mais, en réalité, leur ponte intense, et les conséquences
négatives qui en découlent, leur ont été
imposés, sans aucun choix de leur part. Oui mais, et si on adopte ou secourt
des poules de jardin ? Et bien, comme le souligne l’auteur Charles Horn,
« si le désir est de manger les œufs, est-ce que cela a influencé la
décision d’adopter de manière consciente ou inconsciente ? Si c’est le
cas, l’intention n’était pas juste de fournir un refuge, c’était aussi celle
d’exploiter. »
Une exception qui invite plus d’exceptions
Une exception qui invite plus d’exceptions
En créant une exception pour la consommation d’œufs de poules adoptées, nous
ouvrons alors la porte à d’autres exceptions. Comme le souligne Horn,
« S’il est justifié d’en manger, est-il justifié de les vendre ?
Est-il justifié d’adopter beaucoup de poules et d’en tirer profit ? A
nouveau, nous pouvons nous apercevoir que nous raisonnons ici en terme
d’exploitation et à quel point il est aisé pour les gens de glisser vers des
pratiques d’élevage. S’ils ne le font pas, d’autres le feront certainement, car
l’état d’esprit de l’exploitation est toujours présent. »
S’identifier comme “Mangeur d’œufs”
S’identifier comme “Mangeur d’œufs”
En faisant une exception pour la consommation d’œufs de certaines poules,
nous nous identifions comme « mangeurs d’œufs » de manière générale.
Cela crée souvent un « effet domino » qui est alimenté par au moins 4
réalités qui fonctionnent côte à côte pour créer cet effet : 1. Nous
envoyons un message fort aux autres simplement en mangeant des œufs, peu
importe leur origine, même ceux pondus par les poules de notre jardin. 2.
L’industrie des œufs a testé des méthodes visant à séduire les consommateurs
bien intentionnés et soucieux et a fabriqué des marques et récits de bien être qui suggéreront à tort que
leurs œufs proviennent d’endroits tels que nos jardins. 3. La plupart des
consommateurs sont toujours manifestement désinformés par rapport à la
production d’œufs et à la cruauté associée, et les producteurs d’œufs utilisent
bien entendu cela à leur avantage. Et finalement, 4, les consommateurs sont
fortement incités à croire au mythe humain avec lequel ces producteurs nous
manipulent, à l’aide d’emballages, logos et publicités rassurants faisant
miroiter le genre de conditions que nous associons aux jardins.
La triste réalité est que la plupart des consommateurs visés par ce type de
marketing adhèrent au mythe, au sens propre comme figuré. Ou ils commandent des
œufs dans un petit restaurant où les murs arborent des poules heureuses, et ils
associent faussement cette expérience avec l’image de poules de jardin, alors
qu’en réalité même les restaurants les plus hauts de gamme se fournissent en
œufs de poules élevées dans des conditions déplorables.
Comme le souligne l’auteure Hope Bohanec, « lorsque quelqu’un mange les
œufs de ses propres poules, il s’identifie alors comme un mangeur d’œufs et ne
limite pas sa consommation d’œufs juste à ceux soi-disant
« éthiques » provenant de ses poules. Il mangera également d’autres
œufs au restaurant, chez un ami, etc.. donc il soutient encore l’industrie des
œufs, même s’il pourrait s’identifier comme consommateur « éthique »
d’œufs, il est peu probable que ce soit les seuls œufs qu’il consomme. »
[ndt : cet argument est discutable. Certaines personnes se limitent à
consommer uniquement les œufs de poule de leur jardin]
Renforcer le faux stéréotype de l’”industrie des œufs”
Renforcer le faux stéréotype de l’”industrie des œufs”
photo: Pete Crosbie/Willowite Sanctuary
Consommer les œufs de poules de jardin renforce également leur image
industrielle de « pondeuses » ou de machines à pondre, supposant que
c’est leur but premier dans la vie, ce qui est incorrect. Le fait est que la
ponte naturelle des poules n’est pas différente de celle de beaucoup d’autres
oiseaux. Ce qui a changé est que l’élevage moderne a forcé les poules à
produire une quantité obscène d’œufs non-fécondés. Au-delà de la ponte, les
poules ont des comportements sociaux riches et complexes, ont beaucoup de
centres d’intérêt et sont fortement conscientes d’elles-mêmes. Elles possèdent une
mémoire à long-terme et démontrent clairement qu’elles anticipent des
évènements futurs. Elles créent de profonds liens avec d’autres compagnes et
d’autres espèces, comme les chiens et les humains. Et quand bien-même elles ne
possédaient pas toutes ces capacités cognitives avancées, elles sont des êtres
sentients qui ressentent la douleur et le plaisir tout comme nous. Et la
sentience, et non l’intelligence, est la base en fonction de laquelle nous
devrions traiter les autres.
En mangeant leurs œufs, nous impliquons que la valeur des poules réside dans
leur capacité à produire pour nous en tant que source de nourriture, plutôt que
de concentrer notre attention là où elle devrait être : sur la valeur
intrinsèque des poules en tant qu’individus. « Tout comme nous ne voyons
pas les êtres humains ou leurs secrétions comme source de nourriture, nous ne
devrions également voir aucun être sentient ou ses secrétions de cette
manière. », écrit Horn.
La logique de ne pas gaspiller les œufs
La logique de ne pas gaspiller les œufs
La notion populaire qu’il est dommage de gaspiller
les œufs de poules en ne les mangeant pas se base sur la supposition que leurs
œufs nous sont destinés, renforçant dès lors la notion anthropocentrique que
les œufs nous appartiennent, et ne sont pas les leurs. Donc, en suivant cette
logique, si nous découvrons des œufs abandonnés et non-fécondés de tortue ou de
canard ou de rouge-gorge, nous sommes également obligés de les voler et d’en
faire un repas pour ne pas les « gaspiller ». Si on se penche plus en
avant sur cette logique, on s’aperçoit que le problème n’est pas le gaspillage,
mais le conditionnement culturel. La raison pour laquelle nous percevons
seulement les œufs de poules comme mangeables,
et ne nous embêtons pas à recueillir ceux d’autres espèces, est juste un
conditionnement culturel. Elever des poules dans le but de contrôler leurs
corps et prendre leurs œufs est devenu une pratique socialement acceptable.
Que faire des œufs si on ne les mange pas ?
Que faire des œufs si on ne les mange pas ?
Lorsqu’on se débarrasse du concept anthropocentrique que les œufs de poules
nous appartiennent, alors que pouvons-nous faire des œufs, si l’on souhaite à
la place faire quelque chose pour aider ces oiseaux exploités ? Et bien,
nous pouvons bouillir les œufs et écraser les coquilles. Nous pouvons ajouter
les coquilles aux grains que nous leur donnons pour leur rendre les grandes
quantités de calcium qui sont extraits de leurs os pour produire toutes ces
coquilles. Nous pouvons également les nourrir avec leurs œufs pour leur rendre
certaines des protéines et autres nutriments qu’elles perdent dans le processus
de ponte de bien plus d’œufs qu’elles n’étaient censées produire à l’origine.
Si on laisse de côté le préjudice, nous pourrions prendre un moment pour réfléchir
un peu plus au genre de relations que nous entretenons avec nos poules de
jardin ainsi qu’au message que nous envoyons aux autres. Est-ce que toutes les
relations que nous entretenons nécessitent quelque chose en retour ?
Parfois, nous pouvons simplement montrer de la bonté et de la compassion.
Parfois, nous pouvons simplement apprécier les autres pour leur valeur
intrinsèque et ne pas baser leur valeur sur ce que nous pouvons tirer
d’eux.elles. Et dans le cas des poules, ça n’aura jamais été aussi nécessaire,
considérant toutes les souffrances que nous infligeons à 40 milliards d’entre
elles dans le monde entier chaque année pour nos papilles gustatives.
(Illustration de Florence Dellerie)
Hello, merci pour la traduction de cet article intéressant :)
RépondreSupprimerBonjour, excellent texte, très belle argumentation. Il y a juste un passage que je ne trouve pas cohérent. Peut-être une question de traduction? Je cite : "Ceux qui adoptent ou sauvent des poules de jardin, au lieu d’en acheter dans les couveuses, leur retirent leur soutien mais font malgré tout face à d’importantes considérations éthiques quand se pose la question, « quel est le mal à ramasser et manger les œufs que notre poule adoptée pond ? » Au lieu d'en acheter dans les couveuses ! il est donc suggérer de plutôt acheter des oiseaux (mâles ou femelles, je suppose) dans les couveuses...Merci de m'éclairer sur ce point !
RépondreSupprimerSalut, et merci pour l'auteur.
RépondreSupprimerMa traduction n'était en effet peut-être pas très claire :
Ceux qui adoptent des poules, ou en sauvent, au lieu d'en acheter directement aux couveuses, ne soutiennent plus financièrement ces couveuses.
Mais ces personnes se demandent toujours quel est le mal à ramasser les œufs de la ou des poules adoptées.
C'est ce que ce passage est censé dire :p
Merci pour cet éclairage Kwaicé😃
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