L'invasion des profanateurs de mouvement
Une cause de justice sociale devient la proie de la
doctrine du "mal nécessaire"
Par James LaVeck
Vous ne savez
jamais lorsqu’une agence de relation publique est efficace ; vous verrez
juste vos points de vue changer lentement. – Directeur de Relation Publique
Peu d’entre nous réalisent que certaines industries
américaines déboursent des centaines de millions de dollars à des firmes de relations
publiques chargées de la suppression de tous les obstacles quelconques à
l’acquisition de profit. En haut de la liste de ces obstacles on trouve les
mouvements de base de justice sociale.
Dans un article de 2002 sur leur site du Centre
pour les médias et la démocratie, les auteurs et activistes sociaux John
Stauber et Sheldon Rampton décrivaient les activités de MBD, l’une de ces
firmes de relations publiques impliquées dans le démantèlement des mouvements
citoyens préoccupés par des problèmes allant des pluies acides, de la dioxine,
de la biotechnologie et des déchets toxiques, à l’apartheid, l’énergie
nucléaire, les espèces en voie de disparition et les marées noires.
« Leur méthode préférée », écrivent Stauber et
Rampton, « est une stratégie ‘diviser pour régner’ fortement dépendante de
la ‘co-optation’ : premièrement, identifiez les ‘radicaux’ qui ne sont pas
disposés à faire des compromis et qui demandent des changements fondamentaux
pour redresser le problème. Ensuite, identifiez les ‘réalistes’ – typiquement,
les organisations avec des budgets et des employés significatifs travaillant
dans le même domaine relatif du problème concerné, comme les radicaux. Ensuite,
approchez ces réalistes, souvent via un tiers, commencez un dialogue et passez
finalement un marché, une solution ‘gagnant-gagnant’ qui marginalise et exclut les
radicaux et leurs demandes. »
« Ensuite, accompagné des réalistes, rencontrez les
‘idéalistes’ qui ont été mis au courant du problème via le travail des
radicaux. Convainquez les idéalistes qu’une solution ‘gagnant-gagnant’ approuvée par
les réalistes est la meilleure pour la communauté dans son ensemble. Une fois
cela accompli, les ‘radicaux’ peuvent être exclus comme extrémistes, le
correctif de relation publique est fait, et l’arrangement peut être présenté
aux médias pour faire apparaître la corporation et ses partenaires ‘modérés’
sans but lucratif comme héroïques pour avoir solutionner le problème.
Résultat : l’industrie pourrait être
amenée à faire certaines petites concessions ou temporaires, mais les
préoccupations fondamentales soulevées par les ‘radicaux’ sont balayées. »
Qu’est-ce que ce scénario troublant a à voir avec les
militants des animaux et notre mouvement pour mettre fin à l’exploitation
d’êtres sentients ? Et bien, il s’avère que la première fois que Stauber
et Rampton ont écrit sur MDB, c’était en référence à une présentation donnée
par Ronald Duchin – le ‘D’ dans MBD – à nul autre que l’association des
éleveurs (voir page 66 de Toxic Sludge is
Good for you : Lies, Damn Lies and the public relation industry).
C’était en 1991, et Duchin, un diplomé de l’Army War College et ancien
assistant spécial au Secrétariat de la Défense, décrivait la stratégie la plus
efficace pour « s’occuper’ de l’irritant le plus ennuyeux de l’industrie
de la viande : nous.
Duchin recommandait le plan en trois étape suivant :
1)
Isoler les radicaux
2)
« Cultiver » les
idéalistes et les « éduquer » pour en faire des
« réalistes »
3)
Coopter les opportunistes à
être d’accord avec l’industrie
Duchin reconnaissait dans son discours qu’il était
difficile de travailler avec les idéalistes, dû à leur altruisme inhérent et au
fait qu’ils ne gagnent personnellement rien à maintenir leur point de vue, le
public a tendance à les croire. Il offrit ensuite aux éleveurs une stratégie
habile. Il déclara que si l’on peut en quelque sorte convaincre les idéalistes
que leur opposition à un produit ou à une industrie causait par inadvertance du
tort à quelqu’un, ils ne pourrait pas vivre avec la contradiction et seraient
forcés de changer leur point de vue, pour adopter une position plus
« réaliste ».
Duchin expliqua ensuite aux éleveurs la manière de travailler avec les
« opportunistes » du mouvement, des personnes qu’il décrit comme
s’engageant dans l’activisme pour « la visibilité, le pouvoir, les
partisans et, peut-être, l’emploi… La manière de traiter avec les
opportunistes est de leur fournir au minimum la perception d’une victoire
partielle. »
L’adoption généralisée des oeufs “libre-parcours" ? Quelques
places à la table du groupe chargé de développer des normes pour la production
d’agneau « compassionnelle » ? Du veau « rose » non
enfermé ? Aujourd’hui, ce genre de développements sont largement
caractérisés comme des victoires par les organisations réputées comme fermement
opposées à l’exploitation animale.
La fraude de la gentillesse humaine
Ce n’est pas agréable de penser à la possibilité que notre mouvement puisse être
en train d’être co-opté et neutralisé selon un plan aménagé par une firme de
consultance pour l’industrie de la viande il y a 15 ans de cela. Mais pour les
industries d’exploitation animale, des milliards de dollars sont en jeu, et il
va de soi qu’elles investiront d’importantes ressources pour la protection de
leurs intérêts, et elles vont jouer pour gagner. Pensez à la manière dont la
pression incessante pour engranger toujours plus de profits, trimestre après
trimestre, peut conduire les dirigeants d’entreprise dans une frénésie
hyper-concurrentielle. Résultat, on peut régulièrement lire des cas d’espionnage
industriel, de campagnes de dénigrement médiatique, de tentatives de corruption
de leaders politiques, de scandales financiers et de conflits de pouvoir. Il y
a-t-il une quelconque raison de croire que les gens pris dans un tel système
puissent être moins impitoyables lorsqu’ils ont affaire à un mouvement citoyen
qui vise à leur faire faire faillite ?
Stauber et Rampton, après des années d’investigation des activités de
l’industrie de relation publique, mettent en évidence la tendance des
activistes à nier la possibilité que nous soyons dupés, « les activistes
aiment croire que nous sommes trop engagés dans nos causes, trop terre-à-terre
et conscients, pour être amenés à la soumission involontaire en s’asseyant à la
même table et en partenariat avec l’ennemi. » Mais selon la guru de
l’industrie de relation publique, Denise Deegan, note Stauber,
« L’industrie continue de considérer cette sorte de ‘dialogue’ comme sa
méthode la plus efficace pour gérer les activistes. »
Le travail de Stauber et Rampton est très éloigné de la théorie de salon.
Elle est plutôt dérivée de l’étude exhaustive de l’histoire des mouvements de
base qui, comme le mouvement animal, ont tenté de confronter l’abus de
l’industrie. Ils ont étudié, par exemple, la manière dont la firme de relation
publique MBD est sortie grandie d’une campagne victorieuse pour neutraliser un
boycott massif de la corporation Nestlé. A la fin des années 70, Nestlé tentait
de persuader des millions de femmes du tiers-monde d’utiliser des formules
synthétiques pour nourrissons au lieu de donner le sein à leur bébé.
« Dans la croyance militante, » font remarquer Stauber et Rampton,
« ce boycott est présenté comme une victoire majeure, mais dans le monde
des affaires, on considère que l’industrie l’a vraiment emporté en coupant
l’herbe sous le pied de la campagne. En faisant des concessions sélectives aux
activistes, Nestlé réussit à négocier la fin du boycott. Plus tard, les
activistes furent consternés de découvrir que ses pratiques de marketing de
préparations pour nourrissons continuaient seulement sous un autre nom. Les
enfants du tiers-monde continuent à mourir, mais aujourd’hui leur sort reçoit
peu d’attention, et les activistes ont découvert qu’un boycott, une fois
terminé, ne redémarre pas facilement. »
Traduisez cela au mouvement animal, et l’appel au boycott est, tout
simplement, l’éducation végane. Lorsque nous passons d’une demande à éliminer
la consommation de produit animaux, à l’approbation publique de produits
animaux « humains », n’annulons-nous pas, au final, notre propre
boycott ? Pensez-y. « Un boycott, une fois terminé, ne redémarre pas
facilement. »
Jouer jusqu’au Gagnant-Gagnant
Donc c’est sérieux. Parcourons cela encore une fois et réfléchissons à la
manière dont les développements récents dans le mouvement animal pourraient
être cartographiés sur le livre de jeu de l’industrie de relation publique,
comme résumé par Stauber et Rampton.
Premièrement,
identifiez les ‘radicaux’ qui ne sont pas disposés à faire des compromis et qui
demandent des changements fondamentaux pour redresser le problème.
En théorie, cela pourrait être quiconque croyant que les animaux ont des
droits, que les exploiter est immoral, et que la solution est d’encourager les
gens à boycotter les produits animaux, avec un but à long-terme pour abolir le
statut de propriété des animaux. Nous ne parlons pas de tactiques radicales
mais d’idées radicales. Nous parlons de communauté, d’éducateurs,
d’investigateurs amateurs, de protestants, d’avocats, de bloggeurs, d’artistes,
de soignants, de sauveteurs d’animaux, de marchands, d’écrivains, de
distributeurs de tracts, de personnes du clergé, de diététiciens, d’anciens agriculteurs, d’éducateurs, d’étudiants, de bénévoles
dans des sanctuaires, d’instructeurs de yoga, d’adolescents, de musiciens, de
docteurs, et toutes sortes d’activistes de tous les jours qui pratiquent le
véganisme comme expression de non-violence gandhienne, comme refus de coopérer
en quoi que ce soit avec ceux qui profitent de l’oppression des autres.
Ensuite, identifiez
les ‘réalistes’ – typiquement, les organisations avec des budgets et des
employés significatifs travaillant dans le même domaine relatif du problème
concerné, comme les radicaux.
En théorie, cela pourrait être un nombre de grandes organisations
multi-millionaires de protection animale avec des campagnes significatives pour
les animaux de ferme.
Ensuite, approchez
ces réalistes, souvent via un tiers, commencez un dialogue et passez finalement
un marché, une solution ‘gagnant-gagnant’ qui marginalise et exclut les radicaux et
leurs demandes.
En théorie,
cela pourrait être une offre faite par quelqu’un comme John Mackey, chef de
direction de Whole Foods, l’un des plus grands distributeurs aussi bien de
viande que de produits bio, pour développer un partenariat avec les militants
des animaux et les « visionnaires » de l’industrie de la viande pour
développer de nouvelles normes pour l’exploitation « humaine » des
animaux. Cependant, pour y participer, les « réalistes » doivent de
facto contredire leur propre position que les animaux non-humains sentients ne
devraient être pas être utilisés à des fins humaines, pour négocier les détails
de leur exploitation avec ceux qui s’occuperont de leur abattage et qui en
tireront profit, ce qui porte gravement atteinte à l’intégrité de ce principe
fondamental.
Maintenant,
via les efforts combinés de l’industrie et des organisations des animaux
participantes, la réponse « raisonnable » de la personne ayant pris
connaissance de la situation des animaux de ferme ne devient pas le véganisme,
pas la réduction de la consommation de viande, produits laitiers et œufs, mais
plutôt l’achat de produits animaux « humains ».
Pendant ce
temps, l’objet du dialogue public se déplace irrévocablement de la moralité
douteuse qu’est l’utilisation et l’abattage d’animaux, vers une argumentation
élaborée, sans fin, sur la manière de le faire – les conditions, le traitement,
les normes et la régulation.
Dans ce
nouveau cadre, les appels au public des militants pour le boycott de tous les
produits animaux, pour la non-participation à l’exploitation, n’ont pas leur
place. Un tel discours est maintenant un embarras pour les groupes militants
participants, et une blague pour l’industrie de la viande. Un tel discours est
maintenant relégué au royaume du « radicalisme ».
Ensuite, accompagné
des réalistes, rencontrez les ‘idéalistes’ qui ont été mis au courant du
problème via le travail des radicaux. Convainquez les idéalistes qu’une
solution ‘gagnant-gagnant’ approuvée par les réalistes est la meilleure pour la
communauté dans son ensemble.
En théorie, cela pourrait être les petites organisations
idéalistes qui sont convaincues de rejoindre les grandes organisations pour
endosser la « mini-révolution » des normes ‘humaines’. Ensemble,
elles persuadent les éducateurs de première ligne et les activistes citoyens
que plaidoyer seulement pour le véganisme n’est plus la bonne approche. Les
activistes doivent maintenant simultanément soutenir la viande ‘humaine’ et les
œufs ‘libre-parcours’ comme une prétendue étape transitoire pour les gens qui
n’abandonneront pas la consommation de produits animaux aujourd’hui. Agir
autrement, soutient-on, équivaut à abandonner les milliards d’animaux pris en
ce moment au piège du système existant de l’industrie de la viande.
Confrontés à cette « contradiction » apparente,
un grand nombre d’idéalistes du mouvement changent leurs points de vue et
commence à adopter une position plus « réaliste », une application
classique de la formule de Duchin ‘changer les idéalistes en réalistes’. Ce
nouveau « réalisme » comprend le plaidoyer public pour un
comportement non-vegan – consommation de produits animaux « humains »
-- à côté d’un plaidoyer public pour un comportement vegan – boycott de tous
les produits animaux. Etrangement, ces nouveaux idéalistes transformés
commencent même à se décrire comme des « réalistes », et ceux qui
s’accrochent à leurs propres valeurs anciennes de ne pas participer sont
décrits comme des « puristes » et « absolutistes », parfois
même comme des « égoïstes » ou « pharisaïques » dans leur
« rigidité morale ».
Rencontrer les gens où ils se trouvent.
Il est
frappant, et profondément troublant, de voir combien cette nouvelle manière de
réfléchir sur nous-mêmes et notre plaidoyer se conforme si parfaitement à la
feuille de route pour notre futur de Mr.Duchin, et la manière dont elle fait
écho de manière si précise au « dilemme » de John Mackey (vegan), qui
explique qu’il perdrait son poste de directeur exécutif chez Whole Foods, la
base même de sa capacité à faire une différence, s’il imposait ses valeurs
personnelles et privait ses clients de la possibilité d’acheter une grande
variété de produits animaux. Par conséquent, vu sa préoccupation pour les
animaux, Mackey est moralement obligé de faire ce qu’il doit faire afin de
maintenir sa position au sommet, et d’utiliser le pouvoir qu’il a pour créer une
nouvelle ligne de produits animaux « humains », tout en travaillant
avec les groupes militants pour les animaux pour convaincre le public de les
acheter – donc, de la bouche même de Mackey, « ouvrant la voie sur une
toute nouvelle façon pour les gens de se rapporter aux animaux de ferme, le
bien-être des animaux devenant l’objectif le plus important. »
De même,
certains dirigeants des groupes militants participants pourraient raisonner
que, s’ils « imposaient » le véganisme et l’abolition de
l’exploitation animale au public en refusant de leur offrir une alternative
« humaine » de produits animaux, eux aussi perdraient leur argent et
les membres qui selon eux sont la base de leur capacité à faire la différence.
Plutôt, afin d’avoir du poids et de la crédibilité vis-à-vis de la plus grande
marge de donateurs, législateurs, journalistes et autres personnes ordinaires,
ils se doivent de « rencontrer les gens où ils se trouvent », et de
leur offrir des « options ». Ils semblent croire qu’ils sont, en
réalité, moralement obligés de travailler avec l’industrie pour développer un
marché de produits animaux « humains » qui déclarent-ils aideront le
public et l’industrie à s’éloigner des formes de torture animale les plus
énormes.
Afin de
voir où cette nouvelle approche « rencontrer les gens où ils se
trouvent » mène notre mouvement, nous n’avons qu’à
observer le dernier plan d’étiquetage, celui lancé en Australie par une
organisation animale internationale. Il est appelé « Choix Humain »
(Human Choice), et les
communiqués de presse citent avec enthousiasme
que le nouvel étiquetage « garantira au consommateur que l’animal a été
traité avec respect et avec soin, de la naissance jusqu’à la mort….
L’étiquetage Choix Humain indiquera que l’animal a eu la plus belle vie et la
plus belle mort offerte à n’importe quel animal de ferme…. En somme, ils vivent
leur vie comme ils le feraient à la ferme du Vieux MacDonald… »
Choix Humain ? Ferme du Vieux MacDonald ? Voyez comme les rôles
s’inversent ? Le plaidoyer pour les animaux n’a plus rien à voir avec
l’éthique et la justice sociale – ça a maintenant à voir avec le
choix du consommateur. La vente de
viande n’a plus rien à voir avec la marchandisation, l’exploitation et le
profit – ça a maintenant à voir avec le
bien-être
animal. Le véganisme n’est plus maintenant un impératif moral – c’est
maintenant un
choix de vie
délicieusement excentrique.
Ce qui nous amène à la conclusion de Stauber et Rampton :
une fois cela accompli,
les ‘radicaux’ peuvent être exclus comme extrémistes, le correctif de relation
publique est fait, et l’arrangement peut être présenté aux médias pour faire
apparaître la corporation et ses partenaires ‘modérés’ sans but lucratif comme
héroïques pour avoir solutionner le problème. Résultat : l’industrie
pourrait être amenée à faire certaines petites concessions ou temporaires, mais
les préoccupations fondamentales soulevées par les ‘radicaux’ sont balayées. »
Le complexe du bien-être animal
industriel
Que notre mouvement en soit à son état actuel en totalité ou en partie par
les machinations de l’industrie de relation publique, ou qu’il s’auto-détruise
simplement de son propre chef, nous devrions être choqués et profondément
préoccupés que la structure du mouvement animal d’aujourd’hui ressemble si
étroitement à la vision de compromis, division et faiblesse morale mise en
avant par un consultant en relation publique de l’industrie de la viande il y a
si longtemps. Peu importe la manière dont cela a été accompli, il est
indéniable que le pare-feu de précision linguistique, pensée critique et
intégrité philosophique nécessaire pour protéger notre mouvement d’une telle
dégradation a été pratiquement démoli.
Il est troublant de penser à la manière dont les choses ont pu aller si loin
si vite, mais il va de soi que Mr. Duchin et ses semblables ne se sont pas
tournés les pouces ses 15 dernières années. Pendant que les organisations
animales et l’industrie de la viande mélangent leurs affaires dans un
enchevêtrement de plus en plus déconcertant, leur langage, valeurs, intérêts et
buts deviennent indiscernables, créant une sorte de « complexe du
bien-être animal industriel » dans lequel les « joueurs » --
figures dominantes de l’industrie et entreprises du mouvement animal – se
rencontreront régulièrement en privé pour négocier le prix de la préoccupation
du public pour la souffrance animale.
L’industrie gagnera l’appui d’organisations animales pour un tableau de plus
en plus bizarre de produits « humains » et de pratiques
« compatissantes ». Les groupes de défense animale gagneront une
poignée de « victoires partielles » ainsi que quelques pourboires
comme le parrainage de conférences et de nombreuses opportunités publicitaires.
En rendant le processus si ordonné et rationnel, en le réduisant à quelques
joueurs clés avec une compréhension tacite de l’accord, toutes les parties
concernées recevront un approvisionnement régulier de ce dont ils ont besoin
pour continuer à grandir à un rythme rapide. Plus d’argent. Plus de
clients/membres. Plus de connexions politiques. Plus de capacité à dicter les
termes du discours public.
Les rouages de ce complexe hypothétique s’emboitent confortablement dans la
culture Orwellienne de notre société post 9/11, dans laquelle les droits civils
et la primauté du droit sont systématiquement sapés au nom de la protection de
notre « liberté ». Au centre de tout cela se trouve notre acceptation
de la doctrine du « mal nécessaire », qui nous amène à l’encontre de
nos valeurs fondamentales et rationalise notre complicité dans des actes de
violence et d’injustice commis contre les autres – actes qui sont souvent
décrits comme « tristes » et « regrettables », mais, soyons
réalistes, inévitables et absolument nécessaires si nous voulons accomplir
notre mission vertueuse. Sous la doctrine du mal nécessaire, il n’y a rien de
fondamentalement immoral à incarcérer indéfiniment des milliers de personnes
suspectées, mais pas accusées, jugées ou condamnées d’un crime quelconque, dans
un réseau mondial de prisons secrètes, et même à les torturer – du moment que
ca l’est pour de nobles raisons, et selon les « normes » appropriées.
Considérez le parallélisme de ces deux passages, le premier du
New York Times, et le second du site web
d’une nouvelle campagne de marketing de l’industrie animale en
Angleterre :
Bien que la C.I.A. a essuyé des
critiques par rapport à l’utilisation de techniques brutales, un fonctionnaire
supérieur du renseignement a déclaré que les détenus n’avaient pas été
maltraités. On leur a fourni des soins dentaires et de la vue ainsi que le
Coran, tapis de prière et horloges pour organiser les prières, a déclaré le
fonctionnaire. On leur a également fourni de la lecture, des DVD’s et un accès à
un équipement pour s’exercer.
Ce n’est pas du veau provenant de
silos bondés à peine éclairés. Ces animaux profitent d’une vie bien remplie,
avec beaucoup d’espace et de lumière, à l’intérieur de bâtiments appropriés
pendant l’hiver et à l’extérieur dans les prés le reste de l’année ; un
régime alimentaire varié ; et les soins d’une vache nourricière lorsqu’il
y en a.
Oui, de pauvres veaux orphelins destinés au couteau du boucher vont
maintenant être amoureusement nourris par une « mère nourricière »
avant que leur vie ne soit prématurément étouffée. Et pour que personne ne se
sente mal vis-à-vis de la brièveté de l’existence des veaux, l’industrie fait
gentiment remarquer qu’ « avec une espérance de vie de six mois, ils
vivent deux fois plus longtemps que même le plus lent des poulets en
croissance ; ils ont la même espérance de vie qu’un bon cochon bio, et
plus longue que beaucoup d’agneaux bio. »
Donc ceux qui consomment la chair de ces veaux dorlotés sont en réalité des
humanitaires solutionnant un « problème de bien-être animal ». En
mangeant la descendance mâle non-désirée des vaches laitières, nous épargnerons
à ces nouveau-nés malchanceux l’alternative moralement répugnante, une vie plus
courte et plus brutale dans un cageot. On ne peut s’empêcher de se rappeler la
citation attribuée
à un lieutenant de
l’armée durant la guerre du Vietnam qui a déclaré, « Il fallait que nous
détruisions le village, pour le sauver. »
Selon un
article de journal, neuf jours après le lancement de cette campagne de « bon veau »,
les ventes de veau dans une chaine de supermarché anglaise ont augmenté de 45
pourcents. Remarquablement, le site web de la campagne mentionne l’appui et le
logo d’une grande et respectée organisation des droits des animaux européenne
dont le nom commence avec le mot « compassion ».
Ainsi, un boycott depuis des décennies a été pratiquement neutralisé. Pensez
aux nombres de personnes et au temps qu’il a fallu pour éduquer le public sur
les raisons pour lesquelles la consommation de veau devrait être taboue.
Combien de veau spécialement étiqueté « bon veau » mangera une
personne avant que la distinction ne s’efface, et que cela devienne simplement
bon de manger du veau ?
Encore une fois, les préoccupations fondamentales de notre mouvement –
astucieusement balayées.
L’art de la compassion implacable.
Dans cette nouvelle ère, pour être un militant vegan, pour encourage avec
succès les autres à boycotter la participation dans l’exploitation des animaux,
il faut faire bien plus qu’exposer les gens à l’injustice de l’exploitation
animale, que les aider à surmonter la force de leurs propres habitudes
personnelles, à résister à la pression familiale et sociale, et à voir à
travers les mensonges scandaleux de l’industrie de la viande. Maintenant, il
faut également discréditer le caractère fallacieux des brevets de produits
animaux « heureux » appuyés et promus avec enthousiasme, et même dans
certains cas développés par un nombre d’organisations qui sont essentiellement
le visage public du plaidoyer animal.
Si l’abolition de l’exploitation est notre but ultime, comme on le déclare
souvent, et si le véganisme est l’expression personnelle la plus puissante de
l’opposition à l’exploitation animale, pourquoi diable est-ce qu’une quelconque
organisation animale aiderait à rendre le travail des activistes et éducateurs
vegan tellement plus difficiles ?
Déjà maintenant, les bénévoles dans les sanctuaires, les éducateurs et les
activistes vegan en première ligne font état de membres du public, qui
confrontés à la réalité de l’exploitation animale, indiquent de plus en plus
qu’ils exprimeront leur préoccupation pour les animaux de ferme, non pas en
boycottant ou en réduisant leur consommation de produits animaux, mais bien en
achetant des produits animaux étiquetés « humains ». Whole Foods, sans
surprise, est d’ailleurs souvent mentionné.
Les produits animaux « humains » semblent être l’antidote quasi
parfait au conflit intérieur provoqué par la sensibilisation de sa propre
complicité dans l’exploitation des animaux. Mais malheureusement, en échangeant
une vérité sacrée pour un mensonge astucieux, les étiquettes
« humain » tournent en dérision un authentique moment de conscience.
Si nous sortons de la mentalité du complexe du bien-être animal industriel,
et choisissons à la place de cela de modéliser notre approche sur les
mouvements de justice sociale fructueux du passé, il devient évident que notre
travail est d’investiguer et d’exposer sans relâche l’exploitation de
l’industrie ; de sauver des animaux et leur offrir un refuge ;
d’éduquer le public sur qui sont les animaux et pourquoi il est immoral de les
utiliser et de les tuer ; et de créer et promouvoir des idées, produits,
valeurs sociales, pratiques commerciales, traditions, œuvres, langages,
philosophie, et lois qui sont entièrement non-violents, qui ne participent ou
ne renforcent en rien la légitimité de l’exploitation de n’importe quel être.
Un tel moyen, ayant fait ses preuves, de travailler à un changement paisible
est aussi pratique que puissant, et convient bien à la dignité de la cause que
nous servons. Elle parle à ce qu’il y a de mieux dans la nature humaine, et
produit des vagues toujours plus grandes de changement. Chaque personne qui se
joint signifie un sursis pour un grand nombre d’animaux, prend part à la
réserve commune de créativité et de sagesse, et devient un autre gardien d’une
vision non contaminée par le pessimisme ou l’intérêt personnel. Cela renforce
naturellement notre mouvement sans diluer la force ou la clarté de notre
message, et gagne le respect de ce grand nombre de personnes qui sont prêtes à
écouter et à apprendre, mais ne sont pas vraiment prêtes à rejoindre notre
cause. Pour elles – les personnes qui traversent l’incertitude ou la transition
d’un mode de vie – nous offrons respectueusement des opportunités d’en
apprendre plus tout en expérimentant la joie de notre culture non-violente,
ainsi qu’un encouragement constant à réduire leur consommation de produits de
souffrance. Avec le temps, en transformant de plus en plus de vies
individuelles, nous pouvons, et pourrons, transformer une société entière.
En arpentant ce chemin, nous pouvons être confiants que chaque pas en avant,
petit ou grand, est un pas dans la bonne direction, un pas vers la libération
d’un nombre incalculable d’êtres d’une vie d’exploitation et de souffrance. Et
rassurez-vous, sous la pression croissance de l’indignation du public vis-à-vis
de la cruauté et des injustices que notre travail expose sans relâche,
l’industrie de la viande n’aura d’autre choix que de répondre en
« améliorant » leurs pratiques. Si l’histoire nous apprend quelque
chose, dans de nombreux cas ses déclarations d’avoir améliorer les choses pour
les animaux ne seront rien de plus que des inventions égocentriques. Mais
parfois, les changements qu’elle fera réduiront bel et bien la souffrance que
les animaux endurent avant l’abattage, et bien entendu, nous sommes tous
d’accord que c’est une bonne chose.
Mais nous n’avons pas à prendre part aux illusions des nouveaux systèmes
améliorés d’exploitation de l’industrie, et nous n’avons certainement pas à
mettre nos noms et à la crédibilité de notre mouvement sur les produits douteux
qui en résultent. Laissons l’industrie payer des personnes qui se décrivent
comme des défenseurs des animaux en étant des concepteurs d’abattoir telles que
Temple Grandin faire cela. Et laissons ce genre d’apologistes professionnels
« s’attribuer le mérite » de créer des méthodes plus efficaces et
plus rentables pour « tuer avec compassion ».
N’oublions pas, il y a une raison pour laquelle les organisations des droits
de l’homme ne développent pas ou n’appuient pas des méthodes
« humaines » de torture et d’exécution de prisonniers politiques, et
pour laquelle les défenseurs des droits de l’enfant ne collaborent pas avec
l’industrie internationale de la pornographie pour développer des normes et des
étiquettes spéciales pour des films qui font un usage
« compatissant » d’adolescents fugueurs. Faire ce genre de chose
revient à introduire une ambiguïté morale dans des situations où les frontières
entre ce qui est moral et immoral ne doivent jamais être floues. Être l’agent
d’un tel flou revient à devenir soi-même complice de la violence et de l’abus.
Soyons clair. Lorsque nous soutenons la consommation de n’importe quel
produit animal, nous n’encourageons pas seulement un acte que nous savons
immoral – ne floutons pas seulement la limite entre ce qui est moral et immoral
– nous ignorons également en toute connaissance de cause la contribution
massive de l’agriculture animale au réchauffement climatique, à la fin dans le
monde, aux maladies chroniques, à l’abus des travailleurs, à la désertification
et à la pauvreté dans le tiers-monde. Ne soyons pas trop prompts à assumer que les
autres ne sont pas prêts à absorber la force des vérités qui vont de soi pour
nous-mêmes. Le monde a vu assez de cynisme à ce jour, et est prêt pour quelque
chose de nouveau. Partageons librement aux autres la meilleure vérité que nous
possédons, et faisons-le avec le courage, l’altruisme et l’intégrité des
idéalistes impénitents qui ont pavé le chemin avant nous – ceux dont les mots
et actions historiques ont redéfini les limites du potentiel humain.
Un principe est un principe, et en
aucun cas il ne peut être dilué par notre incapacité à le vivre en pratique.
Nous devons nous efforcer d’y parvenir, et l’effort devrait être conscient,
délibéré et difficile. -- Gandhi
James LaVeck est le cofondateur de l’organisation artistique et
éducative sans but lucratif Tribe of
Heart et producteur de film primé dont les documentaires sont The Witness et Peaceable Kingdom: The Journey Home.