(Traduction de « More room to die » de John Morlino)
Imaginez que vous êtes dans le couloir de la mort, mais innocent
de tout crime. Vous accrochant à l’espoir que la légion de partisans
travaillant sur votre cas réaliseront une percée avant qu’il ne soit trop tard,
vous vous préparez pour une mise à jour de leur campagne. Et pourtant, les
nouvelles que vous vous apprêtez à entendre feraient pâlir vos cauchemars
incessants.
Le messager – parlant au nom d’un noyau de groupes de
défense renommés – vous informe que votre espace de vie, de la taille d’un
placard, sera agrandie d’un mètre carré et que la qualité de votre nourriture
sera bientôt améliorée. Il signale aussi que, lorsque le temps sera venu, un
soin particulier sera fourni pour vous assurer une méthode d’exécution moins
pénible. Lorsque vous insistez sur les efforts pour obtenir votre libération,
il vous avoue que lui et ses collègues ont adopté une philosophie plus
pragmatique – attribuant un pourcentage grandissant de leurs ressources à des
programmes destinés à « alléger la souffrance dispensable », tout en
s’éloignant simultanément de l’objectif de sauver des vies.
Le scénario susmentionné ne représente, en aucun cas, l’engagement
réel de ceux et celles en quête de justice pour les hommes et les femmes qui
ont été injustement incarcérés. Cependant, il présente une ressemblance
frappante à la transformation qui s’est produite au sein de la majorité du
mouvement des droits des animaux.
Bien qu’un petit nombre d’organisations soient restées
fidèles à leur conviction fondamentale que les animaux méritent de vivre libre
de toute exploitation, beaucoup, dont les plus renommées, se sont alignées avec
des entreprises qui profitent de l’abattage de créatures innocentes. Ce genre d’appui
s’étend du soutien aux lois fédérales et initiatives de vote qui enrichiraient
soi-disant les vies des animaux de ferme condamnés, au placement littéral d’un
cachet d’approbation sur le produit fini, du moment que ça soit « humain ».
Pour avoir une idée de cette métamorphose, considérez le
contenu de « APig’s Tail », un film d’animation de quatre minutes pour les enfants créé par
la Humane Society of the United States (HSUS).
Sorti le 24 octobre 2012, le dessin animé raconte l’histoire
d’un porcelet s’échappant d’une ferme industrielle, où vivre dans un cageot de
gestation est la norme pour les truies enceintes, et se conclut par son arrivée
dans ce qu’elle croit être un havre sûr. « Un endroit », dit-elle, « où
un cochon peut être un cochon. » Ce à quoi lui répond son régisseur :
« Et un fermier peut être un fermier. » Le ciel se remplit de rayons
de soleil et s’en suivent des sourires.
Ce qui n’est pas mentionné dans le script c’est que sa vie là-bas s’arrêtera
prématurément et violemment.
Grâce à son département commercial bien rôdé ; des
avoirs approchant le quart du milliard de dollars ; et du personnel
supplémentaire incluant d’anciens défenseurs des animaux et un vice-président élevant
des porcs pour une grande chaine de magasins d’épicerie, l’incarnation moderne
de HSUS a fabriqué une identité à la Zelig aux yeux du public. Ce
faisant, elle est capable d’opérer dans l’espace compris entre deux factions
souvent polarisées : ceux qui soutiennent les politiques de bien-être
animal et ceux qui croient à l’abolition de l’exploitation animale par l’homme.
En flouant la distinction entre ces deux doctrines, HSUS,
ainsi que les autres groupes faisant la promotion du mythe de l’abattage/élevage
humain, offre une sortie facile à quiconque envisage un mode de vie guidé par
les principes de non-violence et compassion inconditionnelle. Et des milliards
d’animaux en paient le prix ultime.
Si j’ai appris une chose des dizaines d’année de
militantisme pour les droits humains et des animaux, c’est que l’honnêteté est
l’ingrédient de base de tout mouvement de justice social fructueux. Mais, avec
un nombre croissant d’organisations craignant de faire peur à leurs sympathisants
en leur demandant de faire un changement significatif dans leurs vies – comme en
devenant vegan – la vérité sans fard est souvent visiblement absente de leurs
campagnes. Le résultat inévitable est une série de « victoires » creuses
célébrées sous le couvert du progrès.
En adoptant cette stratégie, le mouvement des droits des
animaux s’est vendu au rabais, ainsi que les animaux. Et bien qu’il soit
possible d’inverser cette tendance, cela arrivera seulement si et lorsque les
activistes commenceront à faire confiance à leur
audience, plutôt que de la sous-estimer,
Ma confiance en la capacité du public à confronter et à répondre
positivement à la vérité provient des retours que j’ai reçu des dizaines d’enfants
et d’adultes qui ont assisté à mes présentations axées sur la compassion.
Lorsqu’on leur demande d’identifier les cas dans lesquels
les vies des animaux sont compromises par le comportement humain, des élèves de
primaire ont, sans erreur, débité un nombre incalculable d’exemples, dont l’abattage
des animaux pour la nourriture, les vêtements, l’amusement, l’expérimentation
et la commodité. Les mots d’une fille de 9 ans suggérant que nous « arrachions
la saison de chasse du calendrier » restent gravés dans ma mémoire.
La réponse d’un élève m’a également laissé un souvenir
impérissable. A la fin de la classe, on m’a posé une série de questions, allant
de « Est-ce que tu as eu des animaux de compagnie en grandissant ? »
à « Est-ce que tu manges de la viande ? ». Ma réponse à la
seconde question fut « Non », suivi par l’explication que j’étais
vegan. En réponse à la première, j’ai parlé avec enthousiasme du chien du
voisinage avec qui j’ai vécu pendant 17 ans. Après avoir étudié mes réponses,
un jeune garçon a levé la main et a déclaré : « Tu as décidé de ne
plus manger d’animaux car tu aimais ton ami, le chien. »
De toutes les expériences d’apprentissage que j’ai eu, une
en particulier a été la plus révélatrice, il y a une dizaine d’année de cela. Durant
une discussion en cours sur la validité des droits des animaux, un étudiant qui
s’identifiait en tant que « chasseur » dominait la conversation en
remettant en question quiconque n’allait pas en son sens. Dans le but de
changer cette dynamique, j’ai partagé mon parcours menant à mes principes de
non-violence et de compassion inconditionnelle. On aurait pu entendre une mouche
voler.
A la fin du cours, plusieurs étudiants sont restés pour
parler avec moi. Ce n’est qu’après qu’ils soient partis que j’ai remarqué que
le chasseur patientait près de la porte depuis le début. Je n’aurai jamais pu
deviner ce qui s’est passé ensuite.
Il a commencé par me remercier du respect que je lui avais
témoigné durant le cours pour finir par me parler du conflit interne qui le
rongeait. Tous ses amis étaient des chasseurs, mais il ne voulait plus tuer d’animaux.
Craignant d’être ridiculisé et rejeté, il a gardé ses sentiments pour lui.
Pendant près d’une heure, nous avons parlé de l’amitié, des
valeurs, et du courage d’avoir ses propres convictions. Et bien que je ne puis
être certain de la manière dont il a résolu son dilemme, personne ne m’a jamais
serré les mains avec autant de sincérité.
Quiconque a pris la responsabilité de devenir une voix pour
ceux qui ne peuvent pas parler pour se défendre sait que ce n’est pas chose
facile. Et placer la barre plus bas n’arrangera rien. Dans mes moments de
réflexion, je me demande parfois ce que nous demanderaient les animaux ?
Le pari, ici, est que ce ne serait pas : plus de
place pour mourir.
Merci pour cet article (le 3e que je lis sur ton blog).
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